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en déterminant le montant des salaires et la valeur des denrées, d’après le taux habituellement admis avant l’apparition du fléau, en fait, d’après les tarifs moyens et courans de l’année 1346. Cet ensemble de dispositions, destiné à protéger l’intérêt du plus grand nombre, celui de la masse des consommateurs, contrariait violemment deux catégories de citoyens, qui pourtant se fondaient dans la totalité finale, la classe des travailleurs manuels et celle des commerçans.

Donc, à mesure que le « Statut des Travailleurs » se réalise, à mesure que ses obligations et ses règles se mettent à jouer, des ligues se forment, des associations s’organisent entre gens de même profession ouvrière ou marchande. Ces ligues ont pour but visible de tourner la loi et de ruser avec elle. Des « alliances et convens » se nouent entre compagnons de même métier pour maintenir le prix élevé de la main-d’œuvre. Les groupemens corporatifs ainsi constitués voyaient même des cliens pressés, plus pourvus d’impatience que de scrupules, — il en existe toujours et partout, — leur offrir spontanément une surenchère occulte et contraire aux prescriptions légales. Ces syndicats du XIVe siècle s’évertuaient de leur mieux, et remportaient de temps à autre quelques victoires, stimulantes et affirmatives.

Parmi leurs adhérens, à travers la classe manouvrière ou paysanne, pénétraient et se répandaient certaines œuvres étranges, dont les tendances et la doctrine concluaient avec force à la nécessité d’une transformation sociale et d’une autre répartition des biens. Dans ces frustes milieux, les idées qu’elles préconisaient s’épanouissaient amplement. Il parait bien avéré, aujourd’hui, que l’influence directe de Wyclif, hérésiarque alors à peine ostensible, ou celle de Chaucer, littérateur aristocrate, n’eut pour ainsi dire aucune part à leur développement contagieux. Ces productions populaires, ces sortes de libelles, de factums ou de « tracts, » semées et commentées largement, n’en étaient pas moins persuasives, ni moins affolantes pour la masse.

Fabriquées par John Bail et son groupe de disciples, naïvement rédigées pour la foule, circulaient donc, de proche en proche, en multiple copie, des « lettres-manifestes, » courtes et chargées de sens, revêtues de signatures imaginaires et convaincantes. Le rythme et l’assonance y ajoutaient leur prestige. Ainsi Jacques le Meunier, — Jack Miller, — Jacques le Charretier, —