Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

armes et au gouvernement. Ils sont tous vêtus par la Reine. Ils forment la « mesnie » du Roi, qui les aime et les nourrit, et une affection mutuelle doit les unir : « Damoiseaux de ma mesnie, leur dit le Roi, aimez-vous mutuellement. » (Girart de Roussillon.)

Le visiteur qui arrive au logis royal passe devant la sentinelle qui joue de la flûte pour tuer le temps. Il entre dans le palais, où il croise dans les loges (galeries) les seigneurs palatins qui s’y promènent en devisant, quelques-uns d’entre eux fredonnent chansons d’histoire ou chansons courtoises, « chansons légères à entendre, » pour reprendre l’expression du trouvère Quènes de Béthune. Du haut du solier (premier étage) quelques officiers du palais regardent les je ânes bacheliers qui, dans les cours, jouent à la paume.

Les jeunes filles vivent autour de la Reine, dans la « Chambre des pucelles, » où Jean Renart nous les montre se coiffant le matin « à la heaumière » avec des branches de porc-épic. On les trouve assises par terre, sur des « coûtes-pointes » ou sur des « coûtes de soie, » autour de leur souveraine qui a les cheveux noués d’un cercelet d’orfroi (bande tissée d’or).


Si bele dame ne fu onc esgardée :
Vestue fu d’une porpre rouée [tissée à dessins],
Sa crine crespe [chevelure bouclée] fu à or galonnée.


Elles babillent en travaillant à l’aiguille avec des chapels (couronnes) de fleurs sur la tête. Naïfs et gracieux tableaux. Occupées à ouvrer « pailes » ou courtines, aumônières ou baudriers, attaches de soie ou las de beaumes,


Fanons, garnemens de moutiers,
Chasubles et aubes parées,


l’une ou l’autre, ou la Reine elle-même, ou toutes ensemble chantent des « chansons de toile, » — ainsi nommées dès le XIIIe siècle, parce que femmes et filles les chantaient tout en cousant, et parce qu’on y voyait généralement en scène dame ou pucelle occupée à coudre. C’est la chanson de la belle Aude :


Fille et la mère se siéent à l’orfroi [broderie],
A [avec] un fil d’or i font des ories croix [croix d’or] ;


ou la chanson de la belle Aïe :