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Nous aussi nous avons nos nerfs ; mais ils ont résisté jusqu’ici à des épreuves qui en ont singulièrement agité d’autres, et c’est de quoi il nous est bien permis, sinon de nous vanter, au moins de nous féliciter.

Que conclure de ce qui précède ? Qu’il faut continuer de causer avec l’Allemagne. Aussi longtemps que les conversations se poursuivront à Berlin, nous en espérerons un bon résultat. La raison, le bon sens recevraient un démenti heureusement invraisemblable si deux gouvernemens, l’un et l’autre de bonne volonté, l’un et l’autre de bonne foi, n’arrivaient pas à s’entendre sur une de ces questions qui mettent aux prises beaucoup plus les diplomates que les peuples eux-mêmes, où plusieurs combinaisons sont possibles, où on peut transiger avec honneur. Dans un seul cas, l’obstacle serait pour nous insurmontable : ce serait si l’Allemagne maintenait ses prétentions en matière économique. Il est clair que nous ne pouvons reconnaître à aucun pays une situation privilégiée au Maroc et que, si nous le faisions, les autres ne s’y soumettraient pas. Sur tout le reste, l’accord est réalisable, parce que, au point où en sont déjà les choses, on n’est plus arrêté par des oppositions de principe et qu’il n’y a plus qu’à régler, en quelque sorte, des questions de quantités. On dit que ce sera long et nous ne nous attendons pas, en effet, à une solution immédiate ; il faut désirer pourtant que cette solution ne se fasse pas trop attendre. Que ce soit là l’intérêt de l’Allemagne, son état moral le prouve avec évidence. Nous supportons mieux l’incertitude du dénouement, mais elle pèse sur nous, et aussi sur l’Europe, qui attend et qui, à son tour, pourrait finir par s’énerver. Il est temps que ce cauchemar se dissipe : il n’a que trop duré.


Notre situation intérieure serait parfaitement calme si plusieurs régions du Nord n’étaient pas agitées par une crise qu’a suscitée le renchérissement de la vie. Les troubles ont même pris sur quelques points un caractère grave, parce que l’habitude s’est établie chez nous, depuis quelque temps, de faire intervenir la force et la violence toutes les fois qu’on a ou qu’on croit avoir à se plaindre de quelque chose. Les vignerons de la Marne et de l’Aube ont fait école : à leur tour, les ménagères du Nord parlent de « Révolution » parce que le beurre et les œufs coûtent plus cher que d’habitude.

Elles ne se rendent pas compte des causes du phénomène ; elles ne voient que le fait et elles s’insurgent contre lui en brisant les œufs, en jetant le beurre au ruisseau, en attaquant les boucheries et