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de jugement cet émule de Pindare abordait la question des abus de l’Eglise et les problèmes épineux de la théologie, Brunetière l’a dit ici même et beaucoup mieux qu’on ne pourrait le redire.

Mais Ronsard reviendra encore au lyrisme. Dès qu’une éclaircie se produit dans nos orages, ses âpres vers de combat s’arrêtent, et sa fantaisie repart, toujours brillante, toujours ailée. Elle se ressent parfois de l’improvisation d’un poète obligé de fournir aux fêtes de la Cour. Nous savons, par Binet, qu’il prit un médiocre plaisir à forger des vers sous le commandement des grands ; mais on n’a jamais mis plus de poésie dans les divertissemens de commande, ni donné à des pièces de circonstance une fraîcheur plus vive. Il reste grand poète, non seulement en composant ses Églognes, dont tant de vers ont une beauté virgilienne, mais quelquefois en rimant ses Mascarades. Bien loin que cet effort ait épuisé sa veine, ses sonnets à Hélène nous la montrent aussi jaillissante et plus limpide qu’au temps où il t’aimait, Cassandre !

« Son règne, dit M. Laumonier, finit à peu près avec celui de Charles IX, en 1574. » Deux ans auparavant il avait publié cette malheureuse Franciade, qui lui a fait plus de tort peut-être, dans l’esprit de la postérité, que ses odes pindariques. Mais ni l’âge ni la maladie n’avaient fatigué son inspiration de plus en plus satirique et oratoire. Ses éditions collectives, 1571, 1578, 1584, se succédaient avec une faveur que sa retraite de la Cour ne ralentissait pas. Celle de 1571 avait été réimprimée quatre fois en moins de dix-huit mois. Et à peine la dernière paraissait-elle, que le poète recommençait à la corriger et à en préparer une autre. Jusqu’à la veille de sa mort, on constate chez lui un admirable souci de renouvellement. Michel de l’Hôpital avait souhaité que sa muse fût nationale et chrétienne. Nationale, elle l’avait été ; chrétienne, quelquefois, et comme à contre-cœur ; mais elle allait le devenir[1]. Il entrevit la poésie de la religion catholique. Son Hymne à Monsieur Saint Blaise, où des villageois prient leur saint patron d’avoir soin de leurs familles et de leurs troupeaux, est d’un art simple, d’un sentiment pur et vrai. Et il écrivait à la fin de sa vie ces beaux vers :

  1. « Il avait envie, nous dit Binet, si la santé et la Parque l’eussent permis, d’écrire plusieurs œuvres dire tiennes. »