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temps, d’actualité vivante. Le souffle du Moyen Age se confond dans son œuvre, comme dans son siècle, avec les effluves de la Renaissance. Mais le Moyen Age hésiterait souvent à l’avouer pour son fils. Et souvent les muses grecques et latines, les Neuf Sœurs


Qui trempèrent ses vers dans leurs graves douceurs,


sentiraient un étranger en ce fier nourrisson. Cet étranger, c’est nous.


II

Quand on étudie les Sources de Ronsard, on craint d’abord que l’originalité du poète ne se dissolve dans cette multitude de souvenirs et de réminiscences que ses moindres ouvrages portent en eux. Puis on s’émerveille qu’elle y ait presque toujours résisté. Pas une pièce, pas un vers où l’on ne relève « un vestige de rare et antique érudition. » Ronsard emprunte non seulement à tous les poètes grecs d’Homère à Lycophron, non seulement à tous les poètes latins, mais encore aux poètes italiens Pétrarque, Sannazar, Arioste, mais encore aux poètes néo-latins, Jean Second, Marulle, sans compter, bien entendu, Lemaire de Belges et Clément Marot, le Roman de la Rose. Il ne traduit pas littéralement. Les autres poètes de la Brigade ont beaucoup plus traduit que lui. Mais il imite, il paraphrase, il transpose. Il va cueillir chez son modèle jusqu’aux détails particuliers de sa propre histoire, de sorte qu’on peut se demander parfois s’ils sont vrais, ou s’il ne se les approprie que pour lui ressembler davantage. Nous affirme-t-il qu’il a su l’anglais et l’allemand :


L’Espagne docte et l’Italie apprise,
Celui qui boit le Rhin et la Tamise
Voudra m’apprendre ainsi que je l’appris ?...


M. Laumonier nous prévient que ces vers ne sont qu’une transposition d’Horace, qui avait écrit : « Le Coichidieu, le Dace, le Gelon lointain me connaîtront ; l’Hibère instruit et le peuple qui boit le Rhône apprendront mes vers. » Horace avait dit avant lui qu’Apollon et les Muses habitaient sur les rives du Loir. Avant lui, Horace avait chanté l’hymne de saint Gervaise