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qu’elle n’admettra une médiation que lorsque la Porte aura reconnu son occupation de la Tripolitaine. Cette dernière exigence semble en contradiction avec l’idée même d’une médiation, qui serait à peu près inutile lorsque la Turquie aurait accepté la perte de sa province africaine. Mais il est accroire que cette condition de l’Italie trouvera des atténuations dans la forme, car le gouvernement de Rome, s’inspirant d’un réalisme intelligent, ne refuse pas, dit-on, de conserver au Sultan sa suzeraineté sur la Tripolitaine à la condition d’avoir lui-même le gouvernement et l’administration de la province. Il va même plus loin et il accepterait de payer une somme d’argent, comme l’a fait l’Autriche-Hongrie au sujet de l’Herzégovine et de la Bosnie.

La paix se fera-t-elle un jour sur ces bases ? C’est possible et nous dirions même probable, s’il n’était pas dangereux d’émettre des prévisions en pareille matière. Les nouvelles de Constantinople sont confuses et contradictoires. Des influences en sens opposés s’y exercent sur le gouvernement. Tantôt l’idée d’une résistance à outrance semble prévaloir ; tantôt au contraire l’idée de la paix apparaît comme nécessaire ; tantôt une folie généreuse agite les cœurs, tantôt une résignation raisonnable s’empare des esprits. Quel parti prendra définitivement Saïd pacha ? D’après les dernières dépêches, il a envoyé une nouvelle note aux puissances pour demander une fois de plus leur médiation en faveur de la paix et de la cessation immédiate des hostilités. Mais quelles conditions accepterait-il ? S’en remettrait-il aux puissances du soin de les fixer ? L’Italie ferait-elle de même ? Les puissances ne peuvent interposer leur médiation que si elle doit être respectée et elle ne le sera que si les conditions en sont à peu près acceptées d’avance par l’Italie satisfaite et par la Turquie résignée. Il ne semble pas que nous en soyons encore tout à fait là


P. S. — Au moment de mettre sous presse, nous apprenons avec satisfaction que l’accord s’est fait entre M. de Kiderlen et M. Jules Cambon sur la partie marocaine des arrangemens franco-allemands.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.