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D’abord qu’elle fut descendue, elle se jeta au col de son père et nous embrassa tous, sans pouvoir proférer une parole par la joie de se voir au milieu de sa famille qu’il y avait seize ans qu’elle avait quittée. Elle tremblait et ne pouvait pas.se tenir debout. Quoiqu’elle eût fort changé, et que je n’eusse que huit ans lorsqu’elle est partie, je l’aurais bien reconnue aux traits de sa figure et à ses gestes... Le Roi et Piémont lui donnèrent le bras et la conduisirent en haut. D’abord qu’elle fut dans la petite galerie, elle présenta ses deux dames : la duchesse de Lorge, dame d’honneur, et Mme de Montbel, dame de Cour. Elle présenta aussi M. de Vintimille, chevalier d’honneur, et M. de Lorge, fils de la dame.

D’abord qu’elle fut un peu remise de son trouble, elle baisa mille fois la main du Roi et donna des marques de la plus grande consolation. Le Roi lui présenta toutes les dames, et elle reconnut encore très bien celles de son temps.


Elle se précipita comme elle put, — dit à son tour le comte de Maurienne, — n’ayant plus ni jambes, ni voix, dans l’excès de sa joie. Elle embrassait tout le monde, sans les connaître distinctement. Elle avait dans son carrosse son mari, Mme de Lorge, sa dame d’honneur, et Mme de Montbel, qui sont deux figures extraordinairement laides.

Le roi et Piémont lui donnèrent le bras pour monter l’escalier ; on vint dans la galerie où elle commença à se remettre. Elle est maigre ; mais je l’aurais bien reconnue pour « la Tesa[1] » d’autrefois, quoique à présent elle ressemble plus à Mariane (sa sœur, la duchesse de Chablais) qu’à elle-même.


La comtesse d’Artois était arrivée le 20 septembre à Moncalieri. Six jours après elle y était rejointe par ses enfans, les ducs d’Angoulême et de Berry, que leur père avait laissés en Suisse, avec M. de Sérent, leur gouverneur. Ce n’est pas sans émotion que le Roi accueillit ses petits-fils qu’il ne connaissait pas encore, et dont les aimables qualités allaient charmer leurs oncles eux-mêmes, malgré leur sévérité habituelle.


25 septembre. — Madame d’Artois vint toute joyeuse nous dire que ses enfans seraient ici demain.

26 septembre. — Le Roi nous dit que les enfans venaient d’arriver. Mme d’Artois accourut et dit au Roi que, sous peu, elle aurait l’honneur de les présenter. Le Roi envoya Montferrat, Maurienne et moi en bas de l’escalier pour les recevoir. Le comte d’Artois les conduisait lui-même ; nous les avons embrassés et conduits en haut où ils trouvèrent le Roi et les autres. Tous leur firent fête et nous sommes allés à la petite galerie. Les Piémont vinrent aussi, quoiqu’ils fussent dans le plus grand déshabillé. Les deux enfans sont charmans. Angoulême, qui est l’aîné, a quatorze ans ; il n’est pas fort grand pour son âge, mais il est bien fait, se présente bien et parle

  1. Diminutif de Marie-Thérèse.