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peut les y nourrir de celles qui tombent. Mais ce sont encore là faits d’exception.

Dans les îles moyennes ou petites comme les Baléares et en dehors des grandes cités comme la capitale de Majorque, on reconnaît les traits distinctifs de la plus antique vie méditerranéenne. Peuples par excellence citadins, ou plus exactement « urbains, » presque tous les méditerranéens se sont groupés en des agglomérations aux maisons accolées, — si bien accolées et groupées que l’ensemble a l’aspect de petites villes, alors même que ce sont de simples villages.

Vie concentrée autour de la place publique (agora ou forum), autour du bastion ou du château fort, autour du temple ou de l’église, c’est par excellence une vie de murs mitoyens. Telles sont tant de petites villes majorquines, Selva, Pollensa, Manacor, etc., et nulle n’est sans doute aussi représentative qu’Alcudia : assise d’une manière très habilement politique au milieu de l’isthme plat du cap péninsulaire montagneux qui sépare sur le rivage Nord la large baie d’Alcudia de la baie encore vaste de Pollensa, — le Puerto Major du Puerto Menor, — elle subsiste fermée de sa ceinture de fortes murailles que percent seules d’étroites portes, et elle est tout entière resserrée autour de cette église massive, sans hauts clochers, qui vue d’un peu loin domine et préside si magnifiquement la silhouette urbaine.

Une des conséquences générales et fatales de cette concentration, c’est d’éloigner les habitans de la plupart des terres qu’ils ont à labourer et à ensemencer. Il faut donc s’y transporter tous les jours ; à Majorque, on attelle l’âne ou le mulet à la charrette à deux roues sur laquelle on entasse gens et instrumens ; la charrue légère au petit soc est elle-même heureusement portative ; on dételle à l’entrée du jardin, et si l’on doit labourer, l’âne ou le mulet passe des brancards de la voiture à la fourche de la charrue ; puis le soir venu, il ramène de nouveau toute la charge vers la cité.

Doubles pérégrinations, matinales et vespérales, qui se produisent avec la régularité du flux et du reflux ; ce sont de très courtes migrations, mais qui sont déjà des migrations de masses. Je me rappelle un soir avoir quitté la petite ville de Pollensa pour gagner Alcudia, le soleil venait de se coucher ; je suivais de 5 heures à 6 heures une mauvaise route qui était un adorable chemin creux, entre les oliviers. J’ai voulu compter