Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’abbé de Lauvennec quitta son monastère ;
Ce saint de Cornouaille, entre tous très aimé,
Alla trouver Grâlon qui disait sa prière,
La tête entre ses mains près d’un phare allumé :

« Tremble, lui dit le saint, on ouvre notre digue,
O Grâlon, c’est la fin ! Sodome a brûlé ; l’Is
Bientôt ne sera plus qu’un noir figuier sans figue.
Sur un roc dénudé semblable aux lieux maudits. :

Le Roi s’enfuit alors. Voulant sauver sa fille.
Sur son cheval en croupe il l’enlève et l’on part.
Mais un mystérieux éperon qui scintille
S’enfonce dans les flancs de l’animal hagard.

Le poids devient trop lourd, la monture se cabre,
Les péchés de Dahut écrasent le coursier.
Et la Princesse tombe à la Pointe du Gàbre,
Souillant d’un sang impur les côtes de l’Oursier.

Délivré de Dahut, le roi Grâlon se sauve.
Mais il a la douleur, de son île de Sein,
De voir Is englouti sous une nappe fauve.
Il entend les soupirs qui soulèvent son sein.

Depuis, cette île assiste à nos plus grands naufrages
Et son sable engloutit maint objet précieux.
On entend sur le golfe et sur tous ces rivages
Les esprits implorer le pardon des aïeux.


DUCHESSE DE ROHAN.