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mis en pratique par des méthodes d’instruction où l’on retrouve le souci constant de développer le jugement et l’initiative de chacun, à tous les degrés de la hiérarchie. Toutes les études, tous les exercices, toutes les manœuvres n’ont pas d’autre but ; qu’il s’agisse des grands états-majors, des grandes ou des petites unités de troupes, leur instruction consiste toujours à les placer en face d’une situation de guerre et à en rechercher la solution. Combien était différente l’instruction que l’on donnait dans nos garnisons de France avant 1870 ! Ce n’étaient alors que des maniemens d’armes et des manœuvres à rangs serrés sur de petites places d’armes, pendant lesquels s’atrophiait le cerveau de nos officiers, fatigués, ennuyés par la répétition constante d’exercices qui étaient si loin des réalités de la guerre.

En résumé, et pour conclure, en 1870 l’armée française était une armée du XVIIIe siècle formée à l’école de Frédéric, tandis que l’armée allemande était une armée du XIXe siècle formée à l’école de Napoléon.


Cette opposition, qui apparaîtra flagrante pendant toute la durée de la guerre, se manifeste déjà dans sa préparation.

Le projet d’opérations du maréchal de Moltke établi en 1868 débute ainsi : « Objectif principal Paris ; premier objectif, l’ennemi où qu’il soit et les deux grandes voies ferrées de l’Est. Les efforts tendront à refouler l’ennemi au Nord de la zone d’opérations sur Paris, pour l’isoler de la partie la plus étendue du pays, le centre et le midi de la France. »

Après l’énoncé du but final, Paris, dont la chute doit vraisemblablement amener la fin de la guerre, le premier objectif est l’ennemi où qu’il soit ; il faut le trouver, il faut le battre, c’est la première nécessité. Puis viennent les lignes de communication nécessaires et enfin une direction générale de marche pour la suite des opérations. Il n’est pas question de dispositions à prendre pour la défensive. Au cours du mémoire, on envisage seulement l’hypothèse où les Français, incomplètement mobilisés, se décideraient à envahir le territoire allemand du Palatinat. « Dans ce cas, dit le mémoire, on se bornera à reculer le débarquement jusqu’au Rhin, l’ennemi y arrivant se trouvera en présence de forces supérieures, et nous prendrons l’offensive. » Ainsi, cela est bien net, on ne veut pas défendre le terrain,