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art exquis, impeccable dans son opulence, qui distingue le monument de l’Acropole. Le Capitole de Dougga, — on l’appelle ainsi, — n’en porte pas moins un rare cachet d’élégance. Dans le tympan paraît un aigle aux ailes éployées qui enlève un éphèbe. La façade bien composée, harmonieuse et légère, fait vivement regretter que le temple lui-même ait succombé dans une lutte inégale, tant le simple reflet d’un ouvrage de la Grèce nous intéresse et nous émeut !

Dougga renfermait d’autres temples ; on a récemment rendu à la lumière ceux de Saturne et de Cœlestis. Les habitans de Dougga, comme tous les Africains soumis à la domination romaine, avaient adopté des noms romains et la religion du vainqueur. Mais la transformation était plus apparente que réelle. Sous des noms nouveaux, ils continuèrent d’honorer en secret les vieilles divinités nationales. Voilà pourquoi on rencontre dans ce pays tant d’autels consacrés à Saturne et à Cœlestis, parce que Saturne, pour les Africains, c’était Baal Hâman, le maître suprême, et Cœlestis, la déesse Tanit, la prolectrice de Carthage, tandis que le culte d’Apollon, par exemple, et celui de Vénus n’ont pas, pour ainsi dire, laissé de trace.

Ce qui caractérise l’édifice consacré à Saturne, c’est le plan fort original adopté par l’architecte qui la construit ; ce qui nous frappe aujourd’hui, c’est que ses débris s’élèvent sur une falaise, au-dessus d’un abîme. Il semble que le fondateur, L Octavius Roscianus, ait voulu le montrer de très loin aux habitans de la campagne, comme le sanctuaire par excellence de la cité.

Le temple de Cœlestis a été bâti sur un terrain en pente soigneusement nivelé, qui se termine par une terrasse dans le goût de celle qui donne accès au palais officiel de Domitien sur le Palatin de Rome. De cette plate-forme, la vue devait autrefois s’étendre au loin ; un bois d’oliviers l’intercepte aujourd’hui. Le temple, de petite dimensions, est à peine reconnaissable, mais il est entouré d’une élégante colonnade circulaire dont l’ordonnance a été souvent reproduite dans les jardins français du XVIIe et du XVIIIe siècle.

D’autres débris mériteraient sans contredit une mention, sinon une description en règle. Je me bornerai à noter l’impression que m’ont causée les restes imposans du théâtre romain.