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s’étaient contentés d’exploiter le pays, et les Arabes, autres Sémites, se sont bornés à l’occuper. Les Romains avaient pénétré au cœur du pays, tracé des routes, construit des aqueducs, défriché les terres incultes, édifié des cités florissantes là où on ne rencontre plus que la solitude. Les Français, rejetons comme eux, de la souche aryenne, ont une œuvre identique à accomplir. M. Paul Cambon, l’organisateur du protectorat français, a pris pour modèle le système adopté par les Anglais, ces Romains modernes. Les résultats acquis indiquent que nous suivons la bonne voie. Nous pouvons donc compter sur l’avenir aussi longtemps que, résistant à certaines tentations fâcheuses, nous resterons fidèles à l’esprit qui a guidé le premier Résident.


Bizerte.

Quand je monte sur le pont, le yacht longe une côte aride et sauvage. En face de nous, une chaîne de montagnes qui se termine au cap Blanc. A notre droite la mer s’ouvre toute grande. Bientôt une tache blanche grandit au-dessus du bleu de la mer ; elle grandit et monte dans le ciel : c’est Bizerte. Les montagnes la protègent à l’Ouest, mais du côté du Septentrion, les lames menaçaient l’avant-port. On vient de construire à grands frais deux jetées et une digue dont les griffes sont prêtes à se resserrer. Jetées et digue semblaient menacer l’empire même de Neptune : cet hiver le dieu s’est vengé ; son trident pratiqué de larges brèches dans la maçonnerie. Vains efforts on réparera, on consolidera le rempart et du même coup les croiseurs étrangers auront perdu l’espoir de venir un jour, à toute vapeur, s’enfoncer comme des coins dans le canal qui conduit au port et mettre les flottes qu’il abrite en bouteille.

La ville arabe était tout, jusque dans les derniers temps ; elle s’efface tous les jours devant les progrès de la ville française. Des terrasses de la kasbah, on se rend compte des arrêts du destin. Le canal de deux cent quarante mètres qui relie la mer au lac Salé, les établissemens de la défense mobile, les dépôts de charbon, les canons, les batteries, les forts marquent les étapes du chemin parcouru. Ici, c’est la France militaire qui s’affirme ; ce sont des canons qui sortent du sol et non des céréales. Ce n’est pas le passé qu’on regarde, mais l’avenir. L’avenir, il est à Sidi-Abdallab, à quinze kilomètres de la mer,