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des socialistes et par des protestations venues d’un peu partout. « Nous ne demandons pas d’éloges, a-t-il dit en finissant, mais nous ne redoutons pas de blâme. » Le blâme a plu à verse sur lui et sur le traité. Tous les orateurs qui se sont succédé ont été impitoyables pour l’un et pour l’autre. Il est vrai que le traité n’a pas été seul en cause ; il a été beaucoup question au Reichstag du rôle de l’Angleterre au cours des derniers événemens, et on a pu voir de quel poids le discours fameux de M. Lloyd George pesait sur le cœur allemand ; des phrases guerrières ont été prononcées au milieu d’applaudissemens frénétiques. À diverses reprises, — et nous n’avons pas besoin de dire combien le fait a été remarqué et commenté, — le prince héritier, qui assistait à la séance dans la tribune impériale, a donné des marques d’approbation aux orateurs de l’opposition et de désapprobation aux paroles du chancelier. Jamais spectacle pareil ne s’était vu en Allemagne ; jamais pareil désordre ne s’y était produit. Le lendemain, à la vérité, l’Assemblée s’est, comme on dit, ressaisie ; mais il semble bien que ce mouvement ait été produit chez elle par des considérations de politique intérieure plutôt que de politique extérieure. Tous les partis ayant fait, sur le dos du gouvernement, du traité et de l’Angleterre, assaut de patriotisme, les uns ont craint que les autres, peut-être plus éloquens qu’eux, n’aient fait plus d’effet sur l’opinion, et ils se sont mutuellement accusés d’avoir, à la veille des élections, joué des airs électoraux. La séance de la veille suscitait des repentirs. Le chancelier s’est emparé de ce sentiment auquel il a donné une expression habile ; il a pris sa revanche, il a été très applaudi. Ne prenons donc pas au tragique l’explosion de colères qui a eu lieu au Reichstag le 9 novembre, mais certainement nous aurions tort de ne pas la prendre au sérieux.

Chez nous aussi, le traité soulève des critiques : cependant elles ne sont ni aussi impétueuses, ni aussi générales qu’en Allemagne. L’opinion, prise dans son ensemble, semble se recueillir pour mieux se rendre compte de ce que nous gagnons et de ce que nous perdons : elle n’est pas encore tout à fait fixée sur ces deux points. M. le président du Conseil, à Saint-Calais, a essayé de lui apporter des lumières qui n’ont pas paru très vives et qui ont été d’ailleurs obscurcies par un passage de son discours dont on s’est préoccupé en France et au dehors. Il y a eu là en effet, une énigme que M. Caillaux aurait mieux fait de ne pas proposer à ses auditeurs. « J’en arrive, a-t-il dit, à marquer une des idées directrices qui nous ont guidés au cours de ces négociations. C’est que, dans le centre de l’Afrique, les positions ne