Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/561

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Constantine en août, sur le Forbin en avril 1904 et sur le Charlemagne en décembre, à Orangea près de Diégo-Suarez en février et en novembre de la même année et à Antsirane également en février, à Tunis en juin 1905.

Enfin les tirs et les exercices d’escadre avaient été fertiles en incidens. Ils avaient révélé des irrégularités extrêmes dans la portée des projectiles et dans la force des charges théoriquement semblables. On voyait paraître des inflammations prématurées de gargousses, des déculassemens avec mort d’hommes. Le pays attendait qu’on fît quelque chose.

Il crut bientôt avoir reçu satisfaction, on se détourna peu à peu vers d’autres objets. Une haute commission technique, présidée par un membre de l’Institut, avait été nommée. Des mesures réglementaires nouvelles avaient été décidées dans la marine. Des ministères avaient été renversés. Les services poudriers se portaient garans de leur produit dans les conditions de conservation fixées par eux. La quiétude s’était répandue jusque dans les états-majors navals.

On sait comment, le 25 septembre dernier, la catastrophe de la Liberté devait donner tort à cet optimisme. C’était en rade de Toulon, peu après le branle-bas du matin ; à 5 h. 30 on aperçoit des flammes montant des fonds, s’échappant par les sabords de l’avant. La fumée asphyxiante qui envahit, les batteries empêche de faire fonctionner les vannes de noyage des soutes. Quatre petites explosions se font entendre et, malgré les efforts de l’équipage, vingt minutes plus tard, une dernière et formidable explosion projetait sur la rade une pluie de fer mêlée de membres humains. La moitié des poudres du cuirassé, soit environ 100 tonnes, avait seule sauté. L’avant du bateau était replié sur lui-même, recouvrant l’arrière. La Liberté ne formait plus qu’un chaos de ferraille tordue et déchiquetée. Les bâtimens voisins avaient été sérieusement atteints. Des pièces énormes d’acier avaient volé dans toutes les directions : une coupole de tourelle tout entière était allée retomber à plusieurs centaines de mètres. Et la catastrophe faisait 226 victimes, sans compter les blessés.

Alors, comme après l’Iéna, des voix s’élevèrent, — moins nombreuses, il est vrai, — pour prendre la défense de la poudre B. Dans le premier moment, on envisagea la possibilité d’un attentat. Un ancien ministre de la Marine incrimina