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que celle de l’humidité. Une goutte d’eau condensée sur la paroi des soutes et qui tombe sur une gargousse, ou simplement la vapeur toujours répandue dans les fonds des bateaux, suffiraient à provoquer un échauffement spontané, extrêmement prompt, des poudres B. On a relevé à cet égard une entière analogie entre sa décomposition et réchauffement des foins. Pour se mettre à couvert de cette influence désastreuse de l’humidité, on a dû enfermer toutes les poudres marines dans des récipiens étanches à parois métalliques. On ne peut cependant pas se flatter de les avoir placées ainsi dans la même condition que celles de l’armée de terre, qui sont conservées dans une atmosphère sèche, sous l’abri de magasins bien aérés. Les soutes étroites, tassées au fond des bateaux contre la paroi des chaufferies et au milieu d’un lacis de tuyaux brûlans, participent forcément de la chaleur régnant autour d’elles.

À bord enfin, les poudres sont soumises à des mouvemens incessans qui ne peuvent que hâter leurs réactions internes. On sait quelles trépidations secouent en permanence les bateaux modernes, trépidations si fortes qu’à certaines allures, il est parfois difficile d’y lire. Pour toutes ces raisons, la poudre B, plus stable aux mains de l’armée de terre, devient instable au service de la marine. Il faut noter d’ailleurs qu’elle n’est pas tout à fait la même ici et là. Les gros canons de marine emploient les poudres épaisses dont la guerre n’a pas besoin. Or, l’épaisseur des lames colloïdales s’oppose à l’évaporation des réactifs en excès. Au centre, la proportion des dissolvans resterait ainsi beaucoup trop grande ; il faut dès lors, pour en enlever la majeure partie, ajouter à la dessiccation des trempages à l’eau chaude qui altèrent le produit.

Finalement, il arrive ce dont nous avons aujourd’hui trop d’exemples : dans une caisse fermée ou à l’intérieur d’une cartouche métallique un brin avarié qui se décompose répand des vapeurs nitreuses qui pénètrent toute la charge. Elle s’échauffe jusqu’à s’enflammer. La poudre B brûle lentement : ce n’est pas une explosion ; mais la pression des gaz fait ouvrir l’enveloppe. On entend parfois de l’extérieur la cartouche qui fuse ; de longs jets de flammes, comme projetés par des chalumeaux, en sortent et viennent lécher les cartouches voisines dont elles portent rapidement la paroi au rouge. Dans les gargousses, dans les caisses, dans les soutes, l’air est mélangé d’éther, lentement