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En même temps qu’on s’efforçait de stabiliser la poudre, on prescrivait des mesures plus rigoureuses pour sa conservation. Il faut dire qu’à l’origine la confiance avait été complète. On ignorait encore qu’elle reposait sur les résultats d’expériences de trop courte durée, et trop limitées aux conditions d’un laboratoire pour supporter l’extension qu’on avait cru pouvoir en faire. Le service des Poudres affirmait donc que ses produits ne nécessitaient aucune précaution particulière. Et l’illustre Berthelot, consulté en 1888, répondait « qu’aucun des faits observés jusqu’à ce jour n’autorisait à mettre en doute la conservation de la poudre B dans les conditions ordinaires ou extrêmes de la pratique. » En 1890 encore, le service des Poudres et Salpêtres croyait livrer à la marine des produits, « susceptibles de résister sans altérations ni même abaissement de résistance aux conditions les plus dures de la conservation à bord. » Néanmoins, l’Artillerie de terre, moins confiante dans les expériences théoriques, multipliait les études dans ses magasins et les mesures de surveillance. L’Artillerie de marine, chargée de rédiger les règlemens concernant la flotte, crut devoir, elle aussi, entrer dans cette voie : elle prescrivit la visite annuelle des munitions, et leur surveillance sur échantillon, grâce à l’emploi d’une caisse-témoin, destinée à être placée dans l’endroit le plus chaud de la soute. La visite devait être faite par les soins seulement de l’Artillerie de marine ; aux officiers de vaisseau il est interdit, sauf circonstance particulière définie par le règlement, d’ouvrir une seule caisse, fût-ce la caisse-témoin. La visite consiste à ouvrir une caisse à munitions de-ci, de-là, une sur 500 par exemple, et à y prélever quelques fragmens de poudre ; elle comporte uniquement une opération effectuée sur ces fragmens, opération qu’on appelle une épreuve de stabilité. Nous allons voir ce qu’est celle épreuve ; mentionnons seulement que quelques années plus tard, en 1901, un nouveau règlement, encore en vigueur au moment de l’explosion de l’Iéna, et dont les principales dispositions subsistent toujours, accentuait encore les mesures de défiance. Il portait que les poudres seraient visitées et soumises à l’épreuve quand elles auraient subi, même une seule fois, une température supérieure à 35 degrés ou supporté pendant trois mois plus de 30 degrés journellement. Enfin la caisse-témoin, qui ne doit être ouverte qu’en cas de besoin, était accompagnée d’un flacon contenant un