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esprit, ils s’efforcent de nous témoigner la meilleure amitié. Le duc Decazes a été très explicite sur ce sujet ; il m’a dit et répété qu’aucun des partis politiques qui peuvent prétendre au gouvernement de l’Etat ne commettrait la folie de faire la guerre à l’Italie. Il y a bien, a-t-il ajouté, les partis extrêmes qui peut-être oseraient la tenter : mais ceux-là n’ont aucune chance de gouverner, et puis ils n’auraient personne pour les suivre dans le pays.

Je suis également de l’opinion du duc Decazes, et je crois vraiment que la France, en ce moment, ne suivrait pas ces partis, auxquels S. Exc. elle-même se rattache d’ailleurs, comme je n’ai pas besoin de le rappeler à Votre Majesté ; mais, dans l’histoire de ce pays, l’inconnu est un monstre dont nous devons toujours avoir peur, et comme la France ne peut jamais être sûre du lendemain, la prudence nous impose de penser à nos intérêts futurs.

La France subit en ce moment une crise dont la solution est encore incertaine. Républicains et gouvernans se disent sûrs de leur fait ; et les uns et les autres emploient tous les moyens en leur pouvoir pour remporter la victoire.

Je ne m’occuperai pas de l’hypothèse d’un succès des gouvernans actuels. Ses conséquences sont faciles à prévoir : Mac Mahon irait jusqu’en 1880, achevant ainsi son septennat, avec le projet de demander, durant la dernière année de sa présidence, une révision de la Constitution dans un sens monarchique. Mais je veux examiner surtout le cas où la victoire viendrait aux républicains.

Si les républicains étaient victorieux, quelle serait la conduite de ceux qui ont été les auteurs de l’acte du 16 mai ? Feraient-ils un coup d’Etat ? Et, s’ils le tentaient et y réussissaient, qui en recueillerait les bénéfices ?

Le Cabinet est composé d’orléanistes et de bonapartistes ; et si tous conspirent d’accord pour la destruction de la République, chacun des partis travaille pour le triomphe de sa dynastie préférée.

Dans le pays, cependant, le parti qui a la plus grande vitalité après les républicains est le parti bonapartiste, qui est aussi le plus audacieux. Mais peu importe cela ; et comme il faut que l’un des deux succombe, au cas d’un coup d’Etat, le plus fourbe des deux saura bien se défaire de son compétiteur.