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postes du Tonkin ou de Madagascar. Puis, la joie se fit exubérante, et la pensée de tous s’envola vers les femmes françaises, en bruyantes exclamations. M. de Valence, ému, ne pensait plus aux fatigues de son voyage en contemplant ce bonheur.

Mais tandis que, lassées d’une faction paisible, les troupes exécutaient sans entrain les travaux prescrits par le commandant du poste pour une installation définitive, que s’aménageaient lentement abreuvoirs et fontaines, piscines et lavoirs, que des équipes en sueur préparaient briques, poutres et chevrons, traçaient des routes et creusaient des « feuillées » modèles, des télégrammes mystérieux couraient entre Rabat et Tiflet. Enfin, un beau soir, la grande nouvelle éclata : sauf les cavaliers et les artilleurs indispensables, les indigènes Algériens et Sénégalais garderaient seuls la ligne d’étapes ; les troupes blanches iraient prendre leurs « quartiers d’été » en Chaouïa.

Jugeant leur œuvre terminée, songeant aux nécessités de la « relève » dans nos possessions lointaines, les coloniaux en conclurent aussitôt que l’heure du retour prochain en France avait sonné pour eux. Certes, marsouins et bigors avaient besoin de repos ; ils avaient donné le principal effort dans le « circuit des capitales » qui les avait promenés de Fez à Meknès. Ils avaient, en moins de quarante-huit heures, quitté leurs garnisons de Paris et des ports pour une expédition que les pronostics annonçaient pénible, mais rapide ; leurs affaires de sentimens et d’intérêts avaient souffert d’un départ aussi imprévu ; leur caractère et leur vigueur n’avaient pas supporté sans dommages les contrastes, les fatigues et les privations accumulées de la campagne. Aussi, ravis d’aise à la pensée de l’embarquement prochain, officiers et soldats font avec enthousiasme leurs préparatifs de départ.

Des chameaux du service des transports militaires, par centaines, reviennent à vide vers la Chaouïa. Une batterie de bigors, deux bataillons de marsouins, divers détachemens coloniaux, composent seuls la première colonne qui leur sert d’escorte. Puisqu’on est entre soi, ce n’est plus la peine de faire assaut d’endurance. Sacs et couvertures sont donc confiés aux « béchamars » et aux « sokkras » et, pendant que les servans se prélassent sur les caissons, les fantassins allégés de leur fourniment marchent allègrement sur la piste sablonneuse. Un va-et-vient continu d’indigènes pressés, de femmes voilées, de