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symétrie de l’unité dans la variété, etc., soient encore respectées, cette différence infiniment petite dans la courbure des lèvres contient l’infiniment grand du charme esthétique. Voilà où est le vrai problème, le seul difficile. Tout le reste n’est que de la Saint-Jean. De même le dévouement pur consiste dans une abstraction complète de son intérêt propre, et non dans une satisfaction de soi pour le bien d’autrui, car cette satisfaction est encore un mobile d’intérêt. Or comment peut-il agir sans motif de préférence et comment une préférence peut-elle être entièrement désintéressée ? Voilà ce que la raison ne résout pas, et c’est tout le problème sur lequel le cœur n’hésite pas. Le cœur est un instrument de connaissance dont les renseignemens doivent être considérés comme de la même valeur que ceux de la raison, bien que les intuitions soient irréductibles aux procédés de la raison. Et cela est si vrai que nous ne croyons rien définitivement tant que le cœur proteste.

Taine va faire paraître, au commencement de mars, le premier volume de la seconde partie de son ouvrage sur les Origines de la France contemporaine. Il a bien voulu me communiquer les épreuves ; je suis en train de les lire, mais je ne suis pas assez avancé dans cette lecture pour pouvoir vous en parler. M. Coran m’a écrit un billet très aimable à propos de ma décoration, laquelle, entre parenthèses, n’a pas encore été annoncée à l’Officiel ; ce sera, paraît-il, vers le 18 février que la fournée sera publiée. Je n’ai nulle impatience. Léon [Bernard-Derosne] est toujours bien embarrassé. Je profiterai de la visite que j’aurai à faire à Bardoux au sujet de ma croix, pour lui recommander Léon ; Bardoux a été un des patrons du Courrier de France et il a été très touché des appréciations et portraits qu’on y a faits de lui, et dont Léon était l’auteur. S’il pouvait lui procurer quelque correspondant en province, ce serait excellent. Je n’y compte guère, car il est harcelé de sollicitations. Albert, à qui j’avais écrit à Alger, m’a répondu par une lettre intéressante que je vous envoie pour vous distraire. J’ai bien reçu les papiers que je vous avais communiqués. Je voudrais vous écrire bien plus souvent, parce que je vous aime beaucoup, mais je suis accablé de correspondance forcée, et dès que j’ai un peu de loisir, la tentation de travailler l’emporte. Vous me le pardonnerez parce que vous vous intéressez à mon travail. J’aurai ce soir des nouvelles de ma géométrie que mon dernier critique a dû achever