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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/910

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A la vérité, ce pacte existait ; mais Mirabeau n’avait pu encore obtenir de revoir son père. Celui-ci ne communiquait avec lui que par un intermédiaire et il le laissait à peu près sans ressources battre le pavé de Paris et de Versailles. Il l’y tenait comme en laisse, sous une nouvelle lettre de cachet, affublé d’un nom pis que vulgaire, d’un nom de dérision : M. Honoré ! Pour Briançon, sa détresse n’était pas moins extrême que son désarroi. Il avouait ne posséder plus que trente-cinq louis, et il jurait que, cette somme épuisée, il retournerait à Sisteron un pistolet dans chaque main : de l’un, il casserait la tête à Louise, et de l’autre, à lui. Il laissa copie à Mirabeau du procès-verbal de l’effraction de Mme de Limaye, en le conjurant d’apitoyer l’impitoyable Ami des Hommes, et bref, d’assoupir cette affaire. Nouvelle entrevue le lendemain. Mirabeau, stylé par son père et conseillé par son propre intérêt, proposa la soumission de sa sœur, en observant qu’un seul moyen lui avait réussi à lui-même pour sortir de Vincennes, à savoir un profond repentir exprimé avec suite et résignation. Briançon le pria de dicter les lettres qu’il fallait. Mais si Louise sentait ces choses-là, objecta Mirabeau, elle n’avait pas besoin d’un maître à écrire. Il fournit pourtant ces modèles, que Louise transcrivit presque mot pour mot, en y mettant la date du 7 février 1781. Au reste, elle n’obtint rien par cette voie : l’Ami des Hommes ne l’y avait fait engager par son fils et par d’autres personnes que pour la contenir et, finalement, la leurrer :


Elle ferait cent pénitences publiques et autant de miracles, écrivait-il au bailli le 1er février, que je ne serais pas sa dupe… Mais comme il ne s’agit que de gagner du temps, je crois qu’il ne serait pas mal de lui faire dire par quelqu’un de ses adhérens ou intermédiaires qu’elle gâte elle-même ses affaires, qu’elle aurait besoin de se contenir pour un temps et de faire dire du bien d’elle dans ce couvent dont la supérieure est fort écoutée du ministre et de l’archevêque de Paris, et qu’elle donnerait par là le moyen à ses amis de la servir auprès des siens, qu’à faute de cela, elle sera transférée, mais ayant à lutter contre des préventions et des ordres précis.


Au lieu de lui valoir un adoucissement de son sort, l’intervention de son frère fut pour Louise un sujet de vif désagrément. Mme de Limaye avait des raisons personnelles et très fortes de détester Mirabeau. Elle regarda comme une défaillance le fait de s’être servi de lui ; et avec la pétulance et la franchise de son caractère, elle ne sut pas dissimuler sa désapprobation. Louise