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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

nant un modèle de la chapelle, qui devait être érigée à côté du tombeau, enfin sur la tombe en marbre blanc du Dauphiné avec l’effigie émaillée de la duchesse pour sa sépulture de Bourges. Le tombeau de la Motte-Feuilly devait avoir trois pieds de haut. Le soubassement serait de marbre noir, et les piliers à l’entour aussi de marbre noir, taillés à l’antique à candélabres. « À l’environ duquel tombeau sera mis les sept vertus, qui seront d’albâtre, dont il y en aura en chacun côté trois, et au bout du haut une, là où sera écrit une épitaphe telle que lui sera baillée. Sur chacune des dites vertus sera une coquille bien taillée à l’antique, et chacune des dites vertus aura son nom par écrit. Et par-dessus sera une tombe de marbre noir toute d’une pièce sur laquelle sera le personnage de la dite duchesse de Valentinois en façon de dame gisante, lequel personnage sera d’albâtre, et aux pieds deux petits chiens. Lequel tombeau et sépulture sera mis en la chapelle du château de la Motte de Feuilly, étant en l’église parrochiale du dit lieu. Lesquelles choses le dit Claustre a promis faire bien et dûment, de bon marbre et albâtre bien nets, sans veines ni taches et l’ouvrage taillé bien net. Le prix total pour les trois objets sera de cinq cents livres tournois payables en trois fois. »

La belle tombe de Bourges avec l’effigie de la duchesse émaillée de ciment noir, a disparu comme des milliers et des milliers d’autres dans la tourmente révolutionnaire. Mais le tombeau si précieux de la Motte-Feuilly et la statue attenante de la Vierge de Lorette existent encore, mais, hélas ! dans quel piteux état, brisés, mutilés eux aussi par les imbéciles destructeurs de 1793. Une pieuse restitution a récemment relevé ces tristes débris, sans pouvoir atténuer les mutilations qui les déparent. L’église du village, placée sous le vocable de Saint-Hilaire, est à quelque cent pas du château. Je m’y suis rendu par l’humble chemin couvert de grands ombrages que dut suivre si souvent la douloureuse silhouette de la triste Charlotte d’Albret. Le misérable petit édifice rayonnait aux feux du soleil couchant à travers les rameaux verts. J’ai vu peu de lieux d’une plus complète mélancolie. Le tombeau de Charlotte, placé dans une chapelle latérale, avait survécu intact jusqu’à la Révolution. Trois fanatiques, deux habitans de La Châtre et un du bourg tout voisin de Sainte-Sévère, dont on a conservé les noms, sont venus détruire ce beau monument de l’art français.