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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/289

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nouvelles politiques et littéraires. Rentré chez lui, il écrit, il continue la conversation commencée, en donnant des détails que lui seul est en mesure de connaître. Par sa collaboration au Journal des Débats, il a un pied dans le monde de l’opposition libérale. Par son beau-frère Thouvenel, devenu ministre des Affaires étrangères, tout en gardant une indépendance farouche, il entrevoit de loin ce qui se passe dans le monde impérial. Cette double source d’information donne à quelques-unes de ses lettres une saveur particulière.

La politique a souvent son tour dans cette active correspondance. Il y a toutefois des momens où elle chôme pour faire place à des préoccupations d’un autre ordre. Une des grandes douleurs de l’exil est d’obliger les Princes à élever leurs enfans sur la terre étrangère. Quel système allait adopter le Duc d’Aumale pour l’éducation de son fils aîné le prince de Condé ? En France, c’eût été la chose du monde la plus simple. Le père aurait fait pour l’enfant ce que Louis-Philippe avait fait pour lui-même avec tant de succès. Il l’aurait conservé à la maison, sous la direction d’un précepteur, en l’envoyant par surcroit suivre comme externe les classes d’un établissement de l’État. C’eût été du même coup assurer l’éducation par la famille et l’instruction par les professeurs les plus autorisés. Ce plan aurait eu l’avantage de remédier aux inconvéniens de l’éducation solitaire sans émulation et de former le caractère de l’élève en le mettant en contact avec les natures les plus différentes, en le jetant tout de suite en pleine mêlée humaine. Mais, à l’étranger, quel établissement choisir ? Où trouver l’équivalent de cet admirable lycée Henri IV dont le Duc d’Aumale et ses frères conservaient un si cher souvenir, où ils avaient trouvé des maîtres et des camarades si distingués ? En cette année 1859, le choix de la maison où entrerait Condé fut un des grands soucis du Prince. Cuvillier-Fleury consulté se serait contenté du précepteur. Il se déliait des collèges anglais, il craignait surtout que le jeune homme ne fût exposé à quelques mauvais procédés de la part de ses condisciples, de ces « orgueilleux bambins, » comme il les appelait avec un peu d’ironie,

Le Duc d’Aumale qui connaissait mieux que son correspondant les nobles sentimens de la société anglaise, pour les avoir éprouvés depuis onze ans, n’avait pas de ces inquiétudes. Il