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celle des autographes, celle aussi des copies qui lui ont été communiquées. Puisqu’il était impossible d’atteindre, et de reproduire d’une manière constante l’orthographe de Chateaubriand, — laquelle était des plus fantaisistes, et ne présente, à mon gré, aucun intérêt véritable, — mieux valait, si je puis dire, tout réduire au même dénominateur, et adopter franchement, et uniformément, l’orthographe actuelle. Personne ne se fût plaint de ce « modernisme, » A quoi bon hérisser de difficultés la lecture de nos grands écrivains, et, sous prétexte de littéralité ou d’exactitude, donner à leur prose je ne sais quel aspect d’archaïsme, ou même de barbarie ?

Mais ce sont là fautes bien vénielles. M. Louis Thomas n’en a-t-il pas commis une plus grave en reculant, comme il l’a fait, devant la tâche, considérable et ingrate, je le sais, difficile et délicate, j’en conviens, d’annoter cette Correspondance ? « J’ai réduit les notes, nous dit-il, et m’en suis passé la plupart du temps. Je sais combien il est facile, avec un dictionnaire biographique comme celui de Michaud, de se donner l’air d’un grand érudit. D’ailleurs, à mon avis, sauf dans le cas spécial d’une édition philologique, l’appareil de notes gêne le lecteur dans sa recherche d’un plaisir intellectuel. » — Ah ! le bon billet ! suis-je ici tenté de dire. Qu’on me montre le lecteur qui sera « gêné » « dans sa recherche d’un plaisir intellectuel » par des notes sobres, précises, lui éclaircissant telle allusion, lui rappelant tel fait qu’il a sans doute oublié ou qu’il ignore, et lui fournissant toutes les indications essentielles pour replacer une lettre dans ce cadre de vie morale et sociale en dehors duquel elle n’est rien que la plus morte des abstractions ! S’il s’en trouve un seul, — et ce n’est pas pour celui-là que nous travaillons, — qu’à cela ne tienne ! Puisque la poussière du rez-de-chaussée l’incommode, il n’a qu’à rester au premier étage !… Mais, sans doute, M. Louis Thomas a voulu plaider coupable. Convaincu, trop convaincu peut-être que son travail ne saurait être définitif, il a tenu à limiter son effort ; il s’est interdit l’ambition de rivaliser, par exemple, avec les admirables éditeurs de la Correspondance de Bossuet, dans la Collection des Grands Ecrivains de la France, MM. E. Levesque et Ch. Urbain[1], ou encore avec les éditeurs tout récens de la Correspondance de Manzoni, MM. Giovanni

  1. Correspondance de Bossuet, par MM. E. Levesque et Ch. Urbain, 5 vol. in-8, Hachette.