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métier. Généralement il ne suffisait pas de les mettre en apprentissage, il fallait encore les établir. La fille née hors mariage n’était pas néanmoins admise à réclamer une dot, mais l’arrêt de la Tournelle du 20 juin 1598, qui la déclarait non recevable, enjoignait en même temps au père de saisir la première occasion pour la pourvoir d’une situation. Nous connaissons même un arrêt du parlement de Paris du 12 août 1638 qui condamne les héritiers du père à doter la fille, ce qui semble bien indiquer un changement de jurisprudence. Les bâtards avaient la capacité de tester. Ils transmettaient leurs biens à leurs enfans légitimes et à leurs père et mère, au moins pour ces derniers leurs meubles et conquêts. La plupart des coutumes leur refusaient l’hérédité paternelle et maternelle. En Dauphiné pourtant ils succédaient à leur mère en l’absence d’enfans légitimes. Certaines coutumes allaient jusqu’à les appeler en concours avec les enfans légitimes.

La société ne se montrait pas sévère pour l’irrégularité de leur naissance. Quand des intérêts matériels n’en faisaient pas pour elle des adversaires, la famille légale, qui comprenait souvent des enfans de différens lits et par suite des demi-frères et des demi-sœurs, les accueillait sans en rougir et comme s’ils en faisaient légitimement partie. Le 5 octobre 1578, Pierre surnommé Pilotus, bâtard de Guillaume Le Riche, avocat du Roi à Saint-Maixent, arrive chez ses frères légitimes qu’il n’avait pas vus depuis douze ou treize ans, après avoir fait son tour de France comme ouvrier sellier, et il est très bien reçu. Sa fille avait d’ailleurs pour marraines la femme et la sœur de l’avocat du Roi. C’était souvent par un acte de dernière volonté que le père naturel reconnaissait un enfant et lui assurait un avenir. Dans un testament empreint de la foi protestante la plus ardente, Claude de la Trémoïlle avoue pour son fils naturel un certain Hannibal, exprime la volonté qu’il soit traité comme tel et en gentilhomme, entretenu au collège jusqu’à seize ans, envoyé ensuite en Hollande pour y apprendre le métier des armes et, lui assigne 6 000 livres qu’il touchera à son mariage.


G. FAGNIEZ.