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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/451

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bien une découverte : « L’âme prodigieusement souple et mobile du maître s’est toujours librement abandonnée à l’impulsion, plus ou moins fortuite, de son goût du moment, si bien que toujours, tout au long de sa vie, Mozart s’est complu à adopter, à employer exclusivement, puis à écarter de son horizon non seulement telle ou telle coupe particulière, tel ou tel procédé d’expression musicale, mais encore jusqu’à telle ou telle manière de concevoir l’objet même et la beauté de son art. Aussitôt qu’un changement se produisait dans les idées du jeune homme, — et nul artiste peut-être n’a connu un plus grand nombre de ces révolutions intérieures, — aussitôt toutes ses œuvres, pendant une durée plus ou moins considérable, portaient la trace de ce changement, au point de nous présenter, parfois, une allure et un style tout contraires à ceux que nous offraient ses œuvres précédentes… A chacun de ces goûts nouveaux il se livrait sans réserve, s’obstinant à reproduire, jusque dans les genres les plus variés, un certain tour de pensée ou un certain mode d’« écriture » définis, jusqu’au jour où, sous l’influence de sa propre lassitude ou de la rencontre d’un modèle nouveau, tout vestige de ces signes caractéristiques disparaissait à jamais de sa production. »

Voilà l’évolution dont nul n’avait encore, du moins avec cette fidélité, cette finesse, noté les phases nombreuses et brèves. Nous disons l’évolution, non le progrès, ce mouvement ayant eu ses retours. Mais, dans un sens ou dans l’autre, il fut constamment déterminé par des mobiles extérieurs : « Toujours, avec sa nature essentiellement « féminine, » ce génie poétique a eu besoin de recevoir d’ailleurs l’élan nécessaire pour engager son œuvre dans des voies nouvelles… » Et les biographes alors d’imaginer Mozart et de nous le présenter sous les traits, mais pacifiés, mais spiritualisés de son Don Juan ; pèlerin d’un autre idéal et d’un autre amour, et le demandant moins aux filles de la terre, qu’aux nobles muses tour à tour apparues à ses regards, à son âme, dans les œuvres d’un Chrétien Bach, d’un Schobert, d’un Michel ou d’un Joseph Haydn et de bien d’autres encore.

Ceux-là, qui par l’exemple, sinon toujours par les leçons, furent en réalité les maîtres de Mozart, les critiques de Mozart les ont nommés tous et tous étudiés. Ils ont, avec précision et jusque dans le moindre détail, déterminé leurs zones et leurs périodes d’influence. Les unes étaient connues, d’autres demeuraient encore ignorées. Ainsi, nous saurons désormais à merveille que Wolfgang, — et cela dès ses premières années, — reçut de son père non seulement les principes techniques, ou la lettre, mais surtout l’esprit même de son art. Et cet