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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/453

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l’ont fait, et très bien, nous sommes redevables de connaître un maître nouveau, et de le connaître deux fois : en lui-même d’abord, ensuite et surtout par rapport à Mozart et pour ainsi dire en fonction de Mozart.

Si l’on est toujours le fils de quelqu’un, il peut arriver qu’on le soit de plusieurs. Ce n’est pas la moindre nouveauté ni le moindre intérêt de l’ouvrage de MM. de Wyzewa et de Saint-Foix que la recherche et la découverte des diverses filiations de Mozart. A peine le petit voyageur (toujours dans sa huitième année) a-t-il passé de France en Angleterre, qu’à l’influence d’un Schobert va succéder celle d’un Chrétien Bach. Après avoir été l’élève, un peu de son père et plus encore de son frère Philippe-Emmanuel, après avoir étudié surtout, à Milan, pendant six ans, le genre et le style italien, Chrétien ou Christian Bach, le dernier fils de Jean-Sébastien, avait été appelé à Londres pour composer des opéras. Il en composait donc, en grand nombre, et d’élégans, de faciles, un peu mondains, parfois délicieux. « Remarquablement écrits pour le chant, et d’une orchestration plus fournie que chez les compositeurs italiens, ces opéras ont consacré la formation définitive d’un genre entièrement dépouillé de la raideur comme aussi du sérieux et de l’élaboration approfondie de l’ancien opéra… Leur influence sur lui (Mozart) fut véritablement énorme ; on peut dire que, durant toute sa jeunesse, Mozart est resté imprégné du style et de l’esprit même de Chrétien Bach dans le style de l’opéra… Ce mélange d’élégance discrète, de pureté mélodique, de douceur parfois un peu molle, mais toujours charmante, cette préférence de la beauté à l’intensité de l’expression dramatique, tout cela est venu directement à Mozart des opéras de Chrétien Bach. » — Resterait seulement à savoir, — et nous l’apprendrons tout à l’heure, — ce qu’à tout cela, qui lui venait en effet de Chrétien Bach, et des autres, Mozart a personnellement ajouté.

Ils étaient légion, les autres. Allemands ou italiens, musiciens de théâtre ou de musique pure, auquel d’entre eux le petit Mozart n’aurait-il point alors adressé le salut et le remerciement de Dante à Virgile ! Agé de douze ans, à Vienne, il écoute avec le même plaisir et. le même profit (son œuvre d’alors en porte témoignage) les opéras sérieux d’un Gluck ou d’un liasse, Alceste ou Partenope et des opéras bouffes italiens comme la Buona figliuola de Piccini.

Un Mozart français, un Mozart italien, un Mozart allemand, ces trois personnes coexistent en vérité dans la nature unique de Mozart. Chacune des trois s’y révèle. La dernière a maintes fois subi l’influence, l’empreinte même de deux grands maîtres fraternels, les Haydn : Joseph,