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Des fautes ont été commises dans le passé, et nous ne parlons pas seulement ici des fautes politiques faites à Paris ; d’autres encore ont été relevées avec une sévérité outrancière, excessive. Les orateurs qui les ont énumérées à la tribune n’ont pas tenu suffisamment compte de ce que les circonstances ont eu de difficile et d’impérieux pour nos officiers. Si la marche sur Fez a été improvisée et si les défauts de toute improvisation y ont été parfois sensibles, la responsabilité n’en est pas à nos généraux qui ont fait de leur mieux et pour le mieux : ils ont atteint le but avec la rapidité qui leur avait été recommandée. M. Millerand et M. Poincaré ont parlé comme il convenait de ces bons sénateurs du pays et la Chambre les a très justement applaudis.

Au reste, tout cela appartient au passé : il y a au Maroc une situation nouvelle depuis que tous les pouvoirs du gouvernement de la République ont été mis entre les mains d’un seul homme. Le général Lyautey n’a pas seulement besoin d’une grande liberté dans l’exercice de ces pouvoirs : il a besoin aussi de la pleine confiance du gouvernement et du pays et cette confiance lui a été témoignée par le gouvernement et par la Chambre. Sa tâche est délicate : il l’a d’ailleurs comprise admirablement, si on en juge par la manière même dont il l’a limitée. Il ne peut s’agir en ce moment d’étendre notre action sur le Maroc tout entier, ni même sur la partie du Maroc qui était territoire maghzen’. On sait combien l’autorité du Maghzen était faible en réalité, intermittente, chancelante sur ces territoires soumis à une féodalité exigeante et rapace avec laquelle il fallait toujours s’entendre, traiter, composer. Le général Lyautey a émis l’avis que la première tactique à suivre était de se concentrer sur quelques points stratégiques bien choisis. On verra ce qu’il conviendra de faire ensuite, on s’étendra davantage plus tard, par échelons successifs, au fur et à mesure que l’action militaire, secondée par l’action politique, permettra d’avancer à coup sûr, sans avoir à redouter des surprises pénibles qui pourraient obliger à rétrograder. Pour le moment, et c’est assurément par là qu’il fallait commencer, l’opération principale a pour objet d’assurer la liberté de la capitale : c’est à quoi travaille le général Gouraud dont le premier succès nous a remplis d’espérance ; mais ce n’était qu’un succès partiel ; il s’agit maintenant d’exécuter un plan d’ensemble. Avons-nous pour cela le nombre d’hommes nécessaire ? C’est la question qui se pose, elle n’est pas encore résolue. M. Poincaré a donné le chiffre de nos forces au Maroc. Nous y avons 48 967 hommes, dont 11 266 sont rattachés à la frontière algérienne : il en reste donc