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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/597

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dans le nouveau Reichstag, l’axe de la majorité. La Correspondance politique, qu’inspirait Bismarck, reconnut, non sans amertume, ce malencontreux résultat ; et l’aveu qu’elle en faisait se transformait en une demi-avance. « Le Centre, expliquait-elle, peut prendre le rôle qu’ont eu douze ans durant les nationaux-libéraux, s’il sait distinguer les concessions possibles des concessions impossibles, » et elle ajoutait : « Le moment a pour Rome une importance que soupçonnent peu de membres du Centre. » A quoi la Germania répondait : « Nous n’avons jamais dit : A bas Bismarck ! Nous sommes encore en plein Culturkampf ; nous souffrons par lui ; mais nous sentons que la nation ne peut se passer de sa forte main. Nous ne voulons pas d’ailleurs prendre le rôle des nationaux-libéraux, mais soutenir loyalement le chancelier dans toutes ses réformes pour le bien de la nation, délivrer le pays de l’hégémonie libérale, et préparer la politique conservatrice de l’avenir, qui n’est possible que lorsqu’on en aura complètement fini avec le Culturkampf. »

Qu’est-ce à dire ? interrogeaient les Grenzboten, et que veulent dire ces mots : « en finir complètement avec le Culturkampf ? »

Bismarck questionnait, faisait questionner, et n’écoutait pas les réponses, trop dures à entendre, de l’inflexible Windthorst ; il les devinait, s’en irritait. « Ce nouveau Reichstag ! criait-il devant Busch, pas de majorité : partout l’inintelligence et l’ingratitude. » « Je voudrais qu’on me jetât une bombe comme au Tsar, disait-il à Schloezer, et que c’en fût fait de moi. » Dans le Parlement de l’Empire, le Centre et les progressistes étaient les maîtres : ce paradoxe était devenu la très amère réalité, qui l’humiliait. Bismarck tonnait contre les progressistes : « Ce Mommsen, qui juge si faussement le présent, peut-il être un bon historien du passé ? » Il bavardait contre le Centre : « Rien à faire avec cette fraction ; elle a partout marché contre nous ; » et puis, s’amusant un peu pour cesser d’enrager, on l’entendait en plein dîner, offert aux membres du Conseil fédéral, crier au plénipotentiaire bavarois : « Je songe à prendre un vice-chancelier pour les affaires intérieures, préparez un peu Franckenstein à l’entrevue que je veux avoir avec lui. » Franckenstein, un homme du Centre, un Bavarois, un particulariste, associé à la chancellerie de l’Empire ! Bismarck était-il sérieux ? voulait-il rire ? Il ne lui déplaisait pas de susciter ce point d’interrogation. On racontait, par ailleurs, qu’à la suite des troubles auxquels