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d’art et 367 pièces de laque, porcelaine ou faïence, à Brunswick, à Berlin et à Potsdam. Par manière de consolation et presque d’aumône, on accorda dédaigneusement à l’Académie de Berlin une collection de reproductions en plâtre des antiques du Musée Napoléon. Cependant Denon organisait au Salon Carré, avant le placement définitif, « l’exposition des monumens conquis en Allemagne ; » il écrivait triomphant à Daru : « Tout Paris a admiré avec étonnement une si grande quantité de chefs-d’œuvre, et n’a pas été moins surpris de l’activité avec laquelle un si grand nombre d’objets précieux avaient été réparés. Il fallait, pour que cette exposition eût lieu le 14 octobre, anniversaire de la bataille d’Iéna, un travail qu’on devait croire impossible. » Mais le maître avait habitué alors ses meilleurs serviteurs à de tels prodiges de diligence, que rien n’était plus impossible.

Les affaires d’Espagne vinrent ouvrir un nouveau terrain aux chasses artistiques de Denon. Ici pourtant, il se heurtait à la fiction de la souveraineté de Joseph Bonaparte : « Si tout autre prince que le frère de Votre Majesté eût occupé le trône de Madrid, je les aurais sollicités (les ordres impériaux) pour ajouter à la collection du Musée vingt tableaux de l’école espagnole dont elle manque absolument et qui auraient été à perpétuité un trophée de cette dernière campagne. » Denon, qui, entre temps, avait noté un certain nombre de toiles dans les hôtels des grands seigneurs madrilènes adhérens à la junte insurrectionnelle, Denon ne renonça point au rêve de mettre à contribution les collections royales. Il travailla certainement, dans ses conversations avec l’Empereur, à suggérer un décret que le docile Joseph signa le 30 décembre 1809, et dont les considérans déclamatoires annonçaient l’intention de « disposer au profit des beaux-arts du nombre considérable de tableaux ensevelis dans les cloîtres, remettre en honneur l’école espagnole peu connue des nations voisines, assurer le tribut de gloire qu’ils méritent aux noms immortels de Velazquez, Ribera, Murillo, Rivalta, Navarrete, Juan San-Vicente et autres. » Quant