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jusqu’au-delà de quatre-vingts ans, sévère dans ses mœurs, Nompar de Caumont fut aussi un époux modèle. Sa première femme, Charlotte de Gontaut qui lui donna douze enfans, le suivait dans ses campagnes avec sa bru, dont le mari, le marquis de La Force, partageait les fatigues et les dangers de son père le maréchal. La femme de son petit-fils, le marquis de Boisse, se joignait à elles et toutes trois soignaient les blessés et veillaient à la bonne tenue des hôpitaux. Ce fut dans une de ses campagnes, à Metz, que mourut, en 1635, à soixante-quatorze ans, après cinquante-huit ans de mariage, Charlotte de Gontaut. Les lettres que le vieux maréchal écrivit à cette occasion témoignent d’une façon aussi touchante que discrète de sa douleur et de sa piété. Il faut tout dire. Ce patriarche, nourri de la Bible, se flattant peut-être de partager le privilège de la verdeur comme de la longévité de ceux dont les livres saints lui racontaient l’histoire, ne sut pas se contenter des consolations, des affections que lui réservait pour finir dignement ses jours, sa nombreuse postérité. Il épousa, à quatre-vingt-deux ans, malgré l’opposition de ses enfans, une fille de Du Plessis-Mornay, veuve de M. de la Tabarière. Exemple qui décida bien des vieilles gens encore hésitans à faire des mariages non moins ridicules. Veuf de nouveau après avoir rendu sa seconde femme aussi heureuse que la première, que faire ? Depuis qu’il avait atteint l’âge de quatre-vingt-six ans, il ne pouvait plus courre le cerf ; d’autre part, il n’avait plus de charge et ne voulait pas en solliciter de la nouvelle Cour. C’était sous Mazarin. Il ne se vit pas d’autre ressource que de se créer un troisième intérieur. Il épousa à quatre-vingt-neuf ans la veuve de Langherac, l’ancien ambassadeur des Provinces-Unies en France.

A côté des intérieurs protestans il faut mettre ceux où les époux étaient de religion différente. Les mariages mixtes, nous l’avons dit ailleurs, étaient fréquens. Malgré les engagemens pris devant l’Eglise et les consistoires au moment du mariage, chacun des conjoints cherchait souvent à élever les enfans dans sa religion. Le 11 avril 1610, Louis Paris, sieur de la Haie, faisait baptiser au temple, malgré sa femme, son fils nouveau-né. Le 22 avril, l’enfant était, par les soins de sa mère, présenté à l’église. Le 14 octobre 1647, Jeanne de Ségur profitait, pour faire ondoyer sa petite fille, de l’absence de son mari, Alain Filhiol, sieur de Paranchier, qui, contrairement à sa