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vrai dire, que des parodies du zèle philosophique : il existe ailleurs, sous sa vraie forme, réel, sincère, efficace. Voici, à la cour d’Auguste, l’impératrice Livie, qui se console de son deuil maternel en écoutant les exhortations du stoïcien Arée. Voici, un peu plus tard, la patricienne Marcia, qui reçoit de Sénèque le même office. Voici, auprès de Sénèque encore, sa jeune femme Pauline, qui l’assiste si courageusement dans son agonie et garde si pieusement sa mémoire. Voici, autour de Thrasea, un grand nombre d’auditrices fidèles qui recueillent ses nobles paroles. Comme on le voit, c’est surtout le stoïcisme qui parait avoir compté parmi les femmes des sectatrices ferventes. Cette dure et haute doctrine avait de quoi les effrayer, mais elle avait aussi de quoi les fortifier : les meilleures d’entre elles l’ont senti, et c’est pourquoi elles sont venues lui demander, tout comme leurs époux ou leurs frères, le vivifiant réconfort de leur pensée et de leur volonté.

Sur ce point comme sur bien d’autres, les excellentes habitudes prises par la philosophie antique ont été adoptées, amplifiées même, par le christianisme. Tout le monde sait ce qu’il a fait pour les femmes, et ce n’est pas ici le lieu d’examiner la place qui leur a été donnée dans l’Eglise des IIIe et IVe siècles : en réalité, il y a là un ordre d’idées et de choses nouveau, qui se forme alors, et le peu que nous pourrions dire de cette société naissante déborderait hors du cadre de notre étude. La seule remarque que nous voulions présenter, c’est que le christianisme n’a pas conquis les femmes seulement par ses élémens affectifs et mystiques. A lire certains historiens, on dirait vraiment qu’elles ne sont allées vers lui que parce qu’elles étaient séduites et comme troublées dans leur sensibilité et dans leur imagination. C’est peut-être vrai pour d’autres sectes plus ou moins exotiques, qui sont venues à Rome en même temps que le christianisme, mais dont il s’est victorieusement distingué ; c’est même vrai, si l’on veut, de certaines parties de la société chrétienne, mais non de toutes, non des meilleures et des plus actives. Celles-là ont compris, aimé, embrassé le dogme et la morale dans ce qu’ils avaient de plus robuste. Les pénitentes de saint Ambroise ne voient pas dans leur foi un prétexte à émotions, à rêveries ou à extases, mais bien une règle pour leur conduite et une réponse à leurs doutes. De même aussi les correspondantes de saint Jérôme, les Marcelle et les Paule, les