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d’une véritable ardeur iconoclaste comme Xenaïas, évêque monophysite d’Hiérapolis en Phrygie, à la fin du Ve siècle, et quelques années plus tard, Serenus, évêque de Marseille. Ces tendances aboutirent au mouvement formidable, dont les empereurs byzantins prirent l’initiative au VIIIe siècle, et qui mit en question l’existence même de tout l’art chrétien. Il est exact, d’autre part, que l’Islam, comme le christianisme, fut à sa naissance une réaction contre l’idolâtrie séculaire des Arabes : Mahomet renversa les idoles qui ornaient la Caaba, et le Coran condamne formellement la représentation de toute figure animée.

On sait que les chrétiens comme les musulmans durent atténuer par de nombreux tempéramens cette doctrine trop rigoriste. Il n’en est pas moins vrai que la haine de l’idolâtrie, commune à la chrétienté et au monde musulman, était une condition très défavorable au développement de la statuaire. Mais peut-être est-ce aller trop loin que de chercher dans la seule prohibition religieuse la cause unique de sa disparition.

Il faut remarquer en effet que les proscriptions iconoclastes, chrétiennes ou musulmanes, atteignent non seulement la statuaire, mais toute espèce de représentation religieuse, qu’elle soit peinte, sculptée ou gravée. Il a été surabondamment démontré, par exemple, que l’art arabe lui-même connaît non seulement le décor animal, mais même la figure humaine. Il s’agit donc d’expliquer comment les autres arts, tels que la mosaïque, le bas-relief, la fresque, ayant pu traverser la crise iconoclaste, la statuaire seule aurait été condamnée. Est-il possible d’admettre qu’elle fut particulièrement proscrite parce qu’elle rappelait davantage le culte des faux dieux ? Mais d’abord on ne peut citer un seul texte juridique, soit chrétien, soit musulman, qui condamne formellement cet art. Lorsque le second concile de Nicée proclama en 787 la légitimité du culte des images, il spécifia qu’il s’agissait des images « en couleur, en mosaïque ou en toute « autre matière, » et il autorisa par là implicitement la statuaire aussi bien que les autres arts.

Est-il besoin d’ailleurs de rappeler qu’il s’était développé aux IVe et Ve siècles une école de statuaire chrétienne ? Sans parler du groupe légendaire de bronze vu par Eusèbe dans la ville de Panéas et dont on attribuait l’érection a l’Hémorrhoïsse, la célèbre statue de saint Hippolyte au musée de Latran, celle de saint Pierre au Vatican, ont, malgré leurs rapports avec l’art