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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/923

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admissible à 18 pour 100 au plus et souhaiteraient qu’un texte de loi explicite déclarât bel et bien fraude tout beurre renfermant moins de 82 centièmes de matière grasse.

M. Curtel, auteur qui nous a fourni cet exemple et auquel nous avons fait et ferons encore de fréquens emprunts, affirme que des poudres mystérieuses permettent de gonfler encore plus le beurre en le saturant d’eau jusqu’à 50 pour 100[1]. Cela enfonce la margarine et l’huile de palme trop faciles à reconnaître séparément, mais on les mélange, on les ajoute à la crème dans la baratte, et un chimiste trop novice risque de ne plus s’y reconnaître, car la mixture est bien homogène, l’acidité volatile normale, et la réfringence satisfaisante. C’est la fraude scientifique dans tout son éclat !

A l’autre extrémité de la France, en Bretagne, pays plus arriéré, on ne se montrait naguère ni plus honnête ni moins pratique. Lorsque du beurre refusé par son destinataire comme un peu rance retournait à l’envoyeur primitif, la denrée ne jouissait pas à sa rentrée d’un goût bien agréable. Alors on le faisait fondre, ce qui en atténuait toujours un peu la mauvaise saveur, on l’additionnait de beaucoup d’eau et de pas mal de sel, et on le revendait comme « beurre fort » à vil prix, aux populations agricoles, lesquelles, suivant l’auteur qui nous a fourni ce l’enseignement, l’appréciaient, grâce à son bon marché, à l’égal du beurre frais.


IV

Immédiatement après le lait, le pain constitue l’aliment nécessaire par excellence, et la farine, quoique moins souvent que le lait, a subi des fraudes intéressantes. Notre intention n’est pas de rappeler l’affaire des célèbres farines du Sud-Ouest additionnées de talc, matière inerte trop facile à découvrir après simple incinération : cette pratique déshonnête ne se renouvellera plus. On a bien essayé de blanchir artificiellement la farine à l’aide des oxydes d’azote, poisons redoutables, il est vrai, mais

  1. Il suffit d’introduire dans un tube à essai gradué un petit morceau du beurre qu’on estime mouillé. En immergeant le tube dans l’eau chaude, le beurre fondu surnage à l’eau. Pour opérer dans les règles, on évapore dans l’étuve à 100° un poids connu et l’on repèse le résidu au bout de quelques heures : la perte de poids dénote la quantité d’eau primitive.