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toires soustraits à notre autorité. Un dessein conçu sous la Restauration pour transformer le Sénégal en colonie de culture aurait pu nous rendre les maîtres effectifs du pays ; mais le succès ayant été médiocre, on venait précisément d’y renoncer et de ramener nos établissemens à leur ancien rôle de comptoirs strictement commerciaux. Pour que nos négocians pussent commercer avantageusement avec les indigènes qui leur fournissaient la gomme, il fallait toutefois que les roitelets locaux ne les molestassent pas et qu’une paix suffisante régnât ; pour imposer cette paix et faire respecter nos ressortissans, force était de ne pas se cantonner dans les postes, mais de s’immiscer de plus en plus dans toutes les affaires de la région. Ainsi se développa rapidement, au Sénégal même, une politique d’influence, extrêmement curieuse à plus d’un titre. Mais comme elle ne visait nullement des accroissemens territoriaux, elle ne saurait nous retenir ici. Passons donc immédiatement aux entreprises que les mêmes ambitions commerciales firent poursuivre sur la côte, au Nord comme au Sud du Sénégal.

Assez loin de celui-ci, immédiatement au Sud du Maroc et dans le voisinage de l’Atlantique, nos cartes actuelles font figurer sous le nom d’Oued Noun une région aux confins incertains. Au temps de Louis-Philippe on l’appelait Wad Noun ou Awad Noun et l’on ne possédait sur elle que des notions extrêmement vagues. Or, en 1831, un cheik de ce pays pratiquement inconnu s’aboucha avec M. Delaporte, notre consul à Mogador, et parut vouloir rechercher un appui du côté de la France. C’était, semble-t-il, à la suite de la mort d’un voyageur anglais, Davidson, assassiné dans ces parages où il passait pour chercher à créer un établissement. Quoi qu’il en soit de ce fait et des mobiles qui pouvaient pousser le cheik, le ministère des Affaires étrangères estima l’incident sans intérêt. Mais en 1839, le même cheik revenait à la charge, et cette fois, ses demandes parvenaient, au ministère de la Marine, jusqu’à la Direction des Colonies. Avec l’esprit d’entreprises et l’enthousiasme que nous lui verrons affirmer en chaque occasion, celle-ci ne partagea point le scepticisme indolent des Affaires étrangères. Si nous n’intervenions pas, pensait-elle, d’autres profiteraient des dispositions du cheik et ce ne sauraient être que nos perpétuels rivaux, les Anglais ; un établissement étranger dans la région pourrait, en outre, drainer une partie du commerce de l’inté-