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Marine s’accordent mal avec certains points du récit de M. Guizot, et rien en outre ne permet encore de préciser la date à laquelle l’idée prit corps, non plus que les personnes ou les services qui en eurent l’initiative. Ces détails, heureusement, peuvent sembler ici négligeables. Il nous suffit, en effet, de relever les faits suivans. Nommé au commandement de la station navale du Pacifique, l’amiral Dupetit-Thouars reçut, le 17 septembre 1841, des instructions générales qui ne prévoyaient aucune acquisition territoriale. Le 15 octobre, des instructions complémentaires lui prescrivirent d’occuper, au nom du Roi, l’archipel des Marquises. Ces dernières instructions étaient qualifiées de secrètes ; de fait, le souvenir de la Nouvelle-Zélande et la crainte de donner encore l’éveil aux Anglais conduisirent à un luxe extrême de précautions. Les ordres à l’amiral furent discutés verbalement entre les ministres des Affaires étrangères et de la Marine dans le cabinet de ce dernier, et le texte n’en fut pas transmis de ministère à ministère. Rien ne transpira jusqu’à la réalisation. Celle-ci s’opéra, comme on sait, très tranquillement, au mois de mai 1842. La nouvelle en parvint à Paris en décembre. Le Moniteur la publia aussitôt et, le 8 janvier 1843, en ouvrant la session des Chambres, Louis-Philippe confirma, dans son discours du trône, que la France possédait désormais aux antipodes une colonie nouvelle.

Tout paraissait ainsi réglé, quand, peu après, des dépêches arrivaient du Pacifique relatant des incidens complètement inattendus. Pour comprendre leur portée et apprécier l’attitude du gouvernement, il faut toutefois considérer d’abord les desseins parallèles poursuivis dans l’océan Indien.

Après le traité de paix de 1814, la France ne détint plus dans l’océan Indien que la Réunion, naguère l’ile Bonaparte, et qui recouvrait maintenant son vieux nom de Bourbon. Héritière des traditions de l’ancien régime, la Restauration voulut alors reprendre pied à Madagascar, pour trouver surtout un port qui remplacerait celui de l’Ile de France passée aux Anglais : Bourbon, on le sait, n’en possédait aucun. L’ilot de Sainte-Marie avait donc été occupé dès 1821 et, en juillet 1830, une expédition s’équipait à Brest pour aller châtier les Hovas qui ne cessaient de nous harceler. Dès son avènement, le gouvernement de Juillet jugea plus prudent de ne point disperser nos forces : les prépa-