Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même. Il fut une résultante. Les ministres en délibérèrent parce qu’ils se trouvaient en présence d’entreprises réitérées, et celles-ci sont intéressantes pour l’histoire de notre développement colonial, soit que l’on considère leurs liens avec le passé ou avec l’avenir, soit aussi que l’on examine la façon dont elles avaient été menées.

Le rôle que les bureaux jouent depuis longtemps dans la vie publique de la France fournit un thème inépuisable à des railleries très souvent méritées. Il y aurait pourtant injustice à médire toujours de ces entités anonymes, encombrantes et mystérieuses. Même lorsqu’elles sortent de leur objet propre, qui est d’exécuter, pour prétendre à diriger, leurs défauts sont parfois heureux, soit qu’elles poussent en avant, soit qu’elles déploient une incommensurable force d’inertie. Cela se voit surtout dans les momens où le gouvernement véritable hésite, désemparé, ou bien oscille entre des tendances contradictoires. Les ministères ont beau se succéder, en effet, et les régimes eux-mêmes changer, comme la vie administrative ne saurait s’arrêter, les bureaux demeurent, subrepticement hardis, parce qu’ils ont conscience de leur force, et prodigieusement patiens, parce qu’ils se savent éternels. Au lendemain comme à la veille de n’importe quel bouleversement politique, ce sont pratiquement les mêmes hommes qui, dans les mêmes locaux ministériels, continuent à s’occuper des mêmes affaires : nécessairement avec les mêmes habitudes et dans le même esprit. Ils assurent ainsi une cohésion, malgré les troubles de la surface, et maintiennent l’enchaînement des temps. Le rôle que nous avons vu jouer à la Direction des Colonies en fournit une preuve. Loin de moi la pensée de rabaisser des hommes tels que Bouët-Willaumez, Hell, Dupetit-Thouars, ou maints de leurs émules. Je ne songe pas à contester les résultats féconds de leurs initiatives. Mais certains de leurs panégyristes ont été trop loin en prétendant qu’ils agirent toujours de leur propre mouvement et violentèrent les pouvoirs métropolitains, brusquement mis en présence d’événemens accomplis. Certes, ce qui se lit alors en matière d’expansion lointaine déconcerta plus d’une fois les ministres. Mais il y avait à Paris même des hommes qui l’avaient obstinément voulu, inlassablement préparé. Pour connaître les noms des fonctionnaires qui paperassaient alors à la Direction des Colonies, nous devons feuilleter l’Almanach Royal ; nous ignorons leurs