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Mais, demeurés debout sur la grève de sable,
Les regards fascinés par cet horizon clair,
Nous sentons mieux ce que l’amour, comme la mer,
A pour nous d’éternellement infranchissable.



SILLAGES


Sur la plage sans fin, nacrée et miroitante,
Où le flot roule encor les galets qu’il polit,
Entre deux sombres rocs je me suis fait un lit,
En face de l’immense horizon qui me tente.

Et, le cœur exalté d’illusoires départs,
Alors que, franchissant des millions de lieues,
Des navires sans nombre ouvrent les lames bleues,
Je regarde gisans tous mes rêves épars.

Car nul d’entre eux n’a pu terminer son voyage
Et conquérir un peu des espaces amers ;
Mais chacun, dont la proue a fendu tant de mers,
A laissé dans l’écume un douloureux sillage.



RAFALES


Le vent gronde du large en souffles lamentables,
Si tragiques et si farouches qu’on dirait
Les rauques beuglemens jaillis de mille étables,
Et dont vibre la mer sonore, sans arrêt.

Sur les rocs dénudés d’où l’océan qui fume
Semble une cuve ardente et saute et râle et bout,
Je marche enveloppé de rafales d’écume,
Et, malgré l’ouragan, je demeure debout…

Que n’ai-je en cette vie aux tempêtes sauvages
Affronté sans faiblir les rigueurs du destin,
Et promené du haut de stoïques rivages
L’impassibilité de mon regard hautain !