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Dans l’illustration de la légende du Shigisan-Engi, Kakuyû inaugure un genre tout autre qui sera porté à la perfection par les maîtres du commencement de l’époque de Kamakura (1185-1337). L’œuvre a été exécutée sous la forme dite ye-makimono et le moment semble venu de parler de cette dernière. C’était un rouleau de peintures se développant dans le sens de la largeur, différant en cela des kakemonot destinés à être pendus et traités en hauteur. Les plus anciens ye-makimonos actuellement conservés semblent remonter au IXe siècle. Le genre aurait même existé antérieurement si l’on en croit un passage du Genji-monogatari : on l’employa pour illustrer des romans ou des légendes. Dès l’époque de Nara (710-794), des écrits bouddhiques présentés sous la même forme de rouleaux étaient ornés de quelques peintures. Mais dans ceux-ci, l’illustration subordonnée au texte pour renforcer certains de ses enseignemens, n’occupait qu’une place secondaire. Peu à peu, les choses furent inversées et le texte, à son tour, réduit à quelques lignes, ne servit plus qu’à élucider le sens des figures. Le yemakimono allait devenir un merveilleux instrument entre les mains des maîtres yamatisans. Sa forme rendait en effet facile le développement de longues scènes où pouvaient se grouper de nombreux personnages. Les sujets traités dans le Shigisan-engi sont pourtant encore assez simples. Ils mettent bien en lumière le talent simple et nerveux de l’artiste. Le coloris est sobre et les tons neutres dominent. On voit que Toba Sôjô attache bien moins d’importance à la couleur que ne le faisaient les Kasuga. Toute son attention se concentre en revanche sur l’expression des physionomies ; celles-ci perdent leur impassibilité dont elles font preuve dans les œuvres de Takayoshi et de ses successeurs.

Bientôt va commencer une période de transition entre l’époque efféminée du Fujiwara et l’ère guerrière de Kamakura. Elle a reçu le nom de Heike-jidai (1160-1181). Profitant de la faiblesse du gouvernement, la noblesse s’était rendue indépendante et, fortifiée dans ses châteaux, narguait le pouvoir central. Deux familles ne tardèrent pas à se signaler entre tous les autres clans militaires : les Minamoto (ou Gen) et les Taira (ou Heike). Les premiers étaient solidement établis dans les provinces de l’Est (le Kantô), les seconds cherchaient à dominer dans la région de Kyôto. Elles entrèrent en lutte pour la suprématie devant un empereur impuissant à maintenir l’ordre. Les