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diffèrent des précédentes par la forme d’éventail de leur encadrement (manuscrits du temple Shitennoji, d’Osaka, datant de 1170 environ, Kokka, n° 204, mai 1907). Les sujets traités sont en outre plus variés : l’artiste inconnu n’a pas reculé devant la représentation de scènes populaires, chose nouvelle pour l’époque, mais ses personnages conservent une allure compassée et leurs traits sont encore rendus d’après toutes les conventions chères aux maîtres Kasuga.

Il fallut le fer rouge d’une nouvelle guerre civile plus violente encore que les précédentes pour purifier les mœurs, régénérer la philosophie japonaise et fournir aux beaux-arts de nouveaux élémens d’inspiration.

V


Les Heike avaient à leur tour perdu leurs qualités guerrières. Le Minamoto Yoritomo en profita pour soulever le Kantô, et la mort du grand Taira Kiyomori (1181) amena la ruine définitive de son clan après une guerre de cinq ans. Yoritomo victorieux et proclamé Sei-i-tai shogun en 1196, établit sa cour à Kamakura qui devint la capitale de l’Est. Là régnèrent les mœurs austères des soldats qui pratiquaient la belle morale du Bushidô tout imprégnée du sentiment de l’honneur et du culte des vertus militaires. Pendant ce temps, à Kyôto, continuait à régner un fantôme d’empereur entouré d’une cour efféminée et dissolue. Tout ce que la période dite de Kamakura (1185 à 1337) produisit de plus beau, de plus énergique, de plus national dans le domaine artistique fut inspiré par les tendances de la capitale de l’Est. L’ère des luttes n’était d’ailleurs pas close. Dès 1201, les Hôjô devinrent les ministres (Shikken) tout-puissans des successeurs de Yoritomo incapables. Ils firent et défirent les souverains à leur guise. Kyôto fut à plusieurs reprises dévastée par les émeutes et les incendies ; les bonzes eux-mêmes se soulevèrent et se mirent à porter les deux sabres des samuraï. Un vent d’héroïsme souffla partout que les victoires du Hôjo Tokimune sur les envahisseurs mongols (1274-1281) vinrent encore renforcer. En de telles circonstances, les peintres se trouvèrent naturellement portés à représenter les foules agissantes et les grandes scènes de bataille. Les vertus guerrières de l’époque et