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scènes à personnages. Les premiers maitres de ye-makimonos le tentèrent quelquefois, mais durent le plus souvent reculer devant la difficulté. Ils préféraient d’ailleurs, sans doute, concentrer tout l’intérêt sur les personnages principaux.

Le plus brillant émule de Mitsunaga fut sans conteste Keion, son frère cadet. Il prit le nom de Sumiyoshi parce qu’il habitait cette localité dans la province de Setsu. On est assez mal renseigné sur les dates de sa vie ; on sait seulement qu’il vivait encore durant le nengô Keinin (1201-1203). Il est l’auteur très admiré des illustrations de l’Histoire de la Campagne de Heiji dans laquelle Taira Kiyomori sortit vainqueur des Minamoto. Elle est pleine de scènes de bataille (Kokka, n° 182, juillet 1905), traitées avec un sens extraordinaire du pittoresque. On ne sait ce qu’on doit y admirer le plus du mouvement intense donné aux combats ou de la merveilleuse façon dont sont rendus les personnages et les chevaux. Ces petites bêtes japonaises, nerveuses et souvent même vicieuses, à la forme ramassée et à l’encolure courte, possèdent encore aujourd’hui la silhouette que leur a donnée Keion dans ses œuvres. Celles-ci témoignent d’une science des allures bien capable de nous dérouter, nous autres Européens, dont les peintres sont demeurés si longtemps ignorans en la matière. Keion sait utiliser une savante opposition des nuances, mais il ne tombe jamais dans les empâtemens du temps des Fujiwara.

Il eut pour fils Tsunetaka, le fondateur de la célèbre lignée du Tosa. Celui-ci habita successivement Nara et Kyôto et entre autres charges honorifiques reçut celle de gouverneur de la province de Tosa : de cette circonstance provint le nom pris par son école. On sait qu’en Kenchô (1249-1255) il travailla au palais impérial. Ses principaux makimonos sont ceux des histoires de la fondation de Kuramadera et de la vie du prêtre Saigyô Hôshi (Kokka, n° 146). Ce dernier renferme des paysages d’hiver très curieusement traités, mais le mérite de Tsunetaka est loin d’égaler celui de son père, bien qu’il ait obtenu le titre de Edo-koro-no azukari, jusque-là à peu près héréditaire chez les Kasuga.

A l’époque où florissait le talent de Mitsunaga, Takanobu (1146-1205), appartenant à une branche différente de la famille Fujiwara, avait fondé une autre lignée de peintres surtout illustrée par son fils Nobuzane (1177-1265).