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et les consuls. Mais, sauf de très heureuses exceptions, ils s’enferment dans leur besogne technique ou dans l’étroitesse « du monde » où ils se confinent. Ils sont sans contact direct avec l’opinion. Ils n’aiment pas la presse, qui le leur rend. Et même s’ils s’efforçaient de lutter, que serait leur voix, perdue dans le tapage de la publicité ?

L’univers est, désormais, un immense champ magnétique où la nouvelle fulgure à l’état irradiant : ceci n’est pas une métaphore, mais l’expression d’un fait. On a cette sensation émouvante quand on traverse l’Océan à bord d’un transatlantique : le bruit de l’un ou de l’autre continent ne vous quitte pas : des quatre points cardinaux, il assiège le vaisseau. Les antennes de l’appareil Marconi, promenées sur le ciel, le recueillent. Quand la communication directe manque avec la terre, les navires circulant sur les eaux se renvoient la dépêche ; elle rebondit, de l’un à l’autre, comme un écho. Le « journal » parait quotidiennement à bord et livre aux badauds du pont les nouvelles de la terre ; en plus, le commandant reçoit l’Havas confidentiel qui lui explique l’état du ciel, de la mer et du vent : c’est un perpétuel crépitement d’ondes muettes. Le moindre passager est touché, maintenant, par une adresse comme celle qui flattait si fort la vanité de Victor Hugo : « un tel, océan. »

Ainsi, la publicité enserre la terre d’un fil ininterrompu : partout, on sait tout, en même temps. L’ambassadeur des États-Unis, M. Herrick, le disait, dans un discours substantiel prononcé par lui, récemment : l’idée est, désormais, soumise, à peine née, au « contrôle » des penseurs et des foules. On sait que le mot « contrôle » désigne pour les Américains, non seulement l’esprit critique et l’esprit d’examen, mais l’action réfléchie, la pensée se surveillant elle-même.

Donc, entre les deux continens les résonnances se multiplient, et se prolongent ; les obstacles s’aplanissent en même temps. Michelet avait raison : la mer ne sépare pas ; elle rapproche.

Telles sont, sans doute, les raisons actuelles d’un progrès sensible dans la copénétration réciproque de la France et de l’Amérique du Nord ; mais elle était préparée par d’autres causes plus anciennes, plus actives et plus durables.

Il y a, d’abord, de très hauts souvenirs historiques communs. Remontant à la découverte du nouveau continent et aux origines de la plupart des colonisations américaines, ils