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C’est une théologie positive qui aspire à diriger, à consoler, à soulever les âmes. Dès septembre 1546, le jeune moine va jeter ses idées dans les foules, par les thèses de Bernhardi de Feldkirch. Le 26 avril 1517, Carlstadt publie, à son tour, ses cent cinquante et une propositions sur le conflit de la nature et de la grâce ; le 4 septembre, la « dispute » de Günther de Nordhausen accuse l’attaque ; le 31 octobre, Luther affiche les thèses fameuses contre les indulgences. Le mouvement est lancé qui, de Wittemberg, va se propager dans toute l’Allemagne, et, bientôt, dans toute l’Europe.

Comme l’humanisme, il n’entend être qu’un retour à l’Évangile, une réaction contre la scolastique qui, sous l’influence « sacrilège » d’Aristote, a altéré la foi, au contact de la philosophie et de la morale humaines. Nous allons voir qu’il est bien autre chose, et pourquoi et en quoi, du christianisme historique il va détruire les deux forces vives : la tradition doctrinale et la hiérarchie.


III


Au problème initial du christianisme, le rapport de l’homme et de Dieu, saint Paul avait donné une solution. Mais valable contre le judaïsme, cette solution allait-elle suffire à la pensée religieuse, mise en présence de la culture antique ? Et si, en effet, la raison humaine avait pu affirmer Dieu et définir quelques-uns de ses attributs, si la volonté humaine avait pu s’élever jusqu’au bien et parfois jusqu’à l’héroïsme, il fallait bien admettre que la nature, même sous la loi du péché, n’était point condamnée à une impuissance totale. Dès lors se précisaient les données de la spéculation. Quelle était la part respective de Dieu et de l’homme dans l’œuvre du salut ? L’action révélatrice et rédemptrice devait-elle exclure tout concours de la créature ? Cette harmonie, tout l’effort de la théologie chrétienne va être de l’établir. Elle l’affirme déjà au iiie siècle, quand les Pères alexandrins, dans le domaine spéculatif, prétendent concilier le platonisme avec le dogme. Elle apparaît, au ive siècle, en Occident, quand saint Ambroise cherche à souder le stoïcisme à la morale du Christ. Un instant interrompu par la controverse pélagienne et sous l’influence mystique de saint Augustin, ce travail d’entente se reprend, se poursuit, œuvre