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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/32

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ni ses champs, ni les arbres, ni sa chère vallée, ni le ciel. Il évita de passer par le champ de « l’Oreille, » où vingt moissonneurs travaillaient depuis le matin. Il n’existait plus pour lui, en ce moment, que le désordre apporté par Maxime et que la douleur de son enfant.


VI. — LE BEL ARBRE


D’un pas nerveux, serrant dans son poing la canne dont il décapitait sur son passage les fleurs et les pousses fragiles, les lèvres pincées, le feutre en bataille, Maxime Baroney remontait vers le Château-Neuf. Il n’était pas du tout content de ce qu’il avait fait, pas davantage de ce qu’il venait de dire. Il sentait qu’il s’enlizait. Aussi convenait-il de prendre une rapide décision. Rolande était de bon conseil, parfois. Il allait consulter Rolande. Cela ne le ravissait guère. Lui qui ne préparait jamais ses discours, il pesait les phrases par lesquelles il allait mettre sa sœur au courant de la situation. Besogne inutile : Rolande, assez négligée dans ses atours, quelque peu échevelée, était debout sur le perron et l’accueillit par ces mots :

— Eh bien ! tu en fais de belles. Écoute ce « raffût ! » On parle de toi là dedans et dans des termes tout à fait coquets !

Et d’un geste bref, elle indiqua la fenêtre de la cuisine.

— De moi ? à quel propos ?

— Oh ! tu sais, ça ne prend pas, ces airs-là. Si tu ne sais rien, je vais te renseigner : la petite Biard que tu as courtisée, — tu les prendras bientôt au biberon, — fait courir toute sorte de bruits sur ta conduite, et la Louise, la mère d’Ernestine, veut retirer sa fille d’une maison où habite un débauché tel que toi. La tante Anna est « aux cent coups. » La vois-tu perdant, et par ta faute, sa brodeuse de fin ? Nous serions jolis. Avec cela que c’est gai ici, déjà ! Vrai, tu aurais pu braconner plus loin !…

— Je commence à en avoir plein le dos du patelin, et toi ? Qu’est-ce que tu dirais d’une fuite prompte vers des rivages plus hospitaliers ?

— Une fuite ? tu choisis bien le moment !… Et l’héritage de la tante Anna, qu’est-ce que tu en fais ?

— L’héritage de la tante Anna ! Dans cent un ans, merci… Je repasserai…

La voix de la Louise se fit à ce moment-là plus stridente :