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laissa emporter par le mouvement général de 1868, qu’ambitieux, décidé à ne pas redevenir le prisonnier du gosho, il s’efforça de se rendre populaire, qu’il voulut plaire à l’Europe, se faire admettre au nombre des souverains gouvernant des pays pleinement civilisés et même qu’à de certains momens au moins, il eut, lui aussi, la fièvre de la Révolution. D’ailleurs, dans l’œuvre de destruction, une partie s’accomplit en quelque sorte d’elle-même, une partie, pour avoir été voulue, n’en était pas moins nécessaire, et qui aurait pu déterminer la limite où l’on devait s’arrêter, refréner les passions qui voulaient la franchir ?

Quand Mutsuhito commença de voir clair dans ce qui s’accomplissait, il lui incomba le devoir de rétablir la paix entre les partisans et les adversaires des réformes : or les événemens lui avaient donné les révolutionnaires comme ministres et comme alliés, mais les révolutionnaires ne lui obéissaient pas, tandis que les conservateurs jetés par les circonstances dans le camp opposé s’inclinaient pourtant devant ses ordres ; il crut bien faire en leur commandant de se sacrifier pour le bien commun. Un événement tragique devait lui faire comprendre qu’il avait tort de demander tous les sacrifices au même parti, qu’en affaiblissant les forces conservatrices du pays, il affaiblissait la monarchie elle-même, et qu’en supprimant tout intermédiaire entre son peuple et lui, il se privait de tout appui contre les égaremens de son peuple. C’était le 14 mai 1878. L’empereur attendait au palais Okubo, devenu son tout-puissant ministre. Ce dernier, qui habitait dans le Sud-Ouest de Tokio, suivait en Victoria le chemin creux d’un vallon boisé. Deux paysans lui offrent des fleurs. Soudain ils tirent leurs sabres, ce sont des samurai, chevaux et cocher tombent sous leurs coups. Quatre autres samurai, s’élançant d’un bosquet de bambous, se jettent sur Okubo, qui veut sauter hors de la voiture, le hachent à coups de sabre. Saigo le jeune, le frère du grand Saigo, découvre le cadavre et court annoncer le crime à l’empereur.

À la nouvelle de cette mort, éclate le mouvement révolutionnaire depuis longtemps préparé. Tant que Satsuma les a menacés, les partis avancés n’ont pas osé s’attaquer au gouvernement ; maintenant ils peuvent parler librement : ce qu’ils veulent, c’est un régime démocratique sous un empereur ou sous une république ; en formulant le programme du parti radical, Itagaki évite de faire aucune allusion à la maison impériale. Aux atten-