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REVUES ÉTRANGÈRES



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LA CONVERSION D’ALEXANDRE MANZONI


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Carteggio di Alessandro Manzoni, publié par Giovanni Sforza et Giuseppe Gallavresi. — Première partie : 1803-1821. Un vol. in-8o illustré. Milan, librairie H. Hœpli, 1912.


J’ai eu l’honneur de diner hier avec un grand homme, avec un très haut poète, avec un lyrique transcendant, avec Le Brun ! J’ai eu l’honneur d’imprimer deux baisers sur ses joues décharnées ; et ces baisers m’ont paru plus savoureux que si je les avais cueillis sur les lèvres de Vénus. Voilà un grand homme, de par les dieux ! Crois-moi, nous autres, Italiens, nous nous montrons bien impertinens lorsque nous déclarons qu’il n’existe pas de poésie française ! Je suis d’avis, pour mon compte, — et j’estime ne pas me tromper, — que nous n’avons pas en Italie (mais ceci entre nous !) un seul poète digne d’être égalé à Le Brun, sous le rapport de ce qu’on appelle la puissance lyrique. Aussi ses compatriotes le nomment-ils couramment Le Brun-Pindare ; et il se pourrait que l’éloge n’eût rien d’excessif.


C’est en ces termes qu’un jeune poète milanais, — dans une lettre écrite de Paris, le 12 mars 1806, — épanchait ingénument le mélange d’admiration et de plaisir qu’avait fait naître en lui la rencontre du plus glorieux des poètes français de son temps. A quoi notre enthousiaste ajoutait que le magnanime Le Brun, sur le titre de l’exemplaire d’un de ses poèmes qu’il avait daigné lui offrir, avait tenu à inscrire cette dédicace : À M. Beccaria. « Un tel nom est trop honorable pour que vous ne saisissiez pas l’occasion de le porter ! — avait dit le nouveau Pindare à son jeune confrère italien. — Et je veux que le nom de Beccaria s’entrechoque avec celui de Le Brun ! »

En réalité, cependant, le destinataire de la dédicace ne s’appelait