révolution. On voudrait bien faire une répétition des années 1790, 1791, 1792, etc., mais, cette fois-ci, je l’espère, la royauté sortira triomphante de la lutte.
L’on prétend ici qu’on avait proposé au Duc d’Orléans de monter sur le trône de France, mais qu’il ne l’avait point accepté. Le Roi a voulu que le Duc de Bordeaux, comme à son ordinaire, allât faire sa promenade à Bagatelle ; la populace de Paris le sut, et aussitôt une immense quantité de gens armés s’y porta ; heureusement, un régiment de la garde instruit à temps parvint à couper l’enfant de France de la horde sanguinaire et il put se sauver auprès du Roi qui le croyait perdu... Je tiens ces détails d’un rapport que le comte de Well, commandant de place à Paris, a fait au général Coutard qui était ici à prendre des bains de mer.
La consternation est à son comble ; le steamboat est parti aujourd’hui de notre port, surchargé de monde, surtout d’Anglais qui se sauvent dans leur pays ; les changeurs d’ici ne veulent plus accepter l’argent français en échange de celui d’Angleterre. Le général de La Fayette, le duc de Choiseul, le duc de Broglie et M. de Montesquiou sont à la tête de cette immense conspiration, car, en ce moment, on ne doute plus que cela a été mené de longue main. Une estafette arrivée au général Coutard, au moment où il montait en voiture pour Paris, lui apporta une lettre du commandant Well, dans laquelle il dit : « Depuis deux heures, nous avons le dessus, nos troupes se battent bravement, les renforts nous arrivent de tous les côtés, nous en avions grand besoin. » Malgré tout cela, il invite cependant le général Coutard à se rendre le plus vite possible sur les lieux. Dans quel temps vivons-nous ! Le nombre de tués et de blessés est incalculable. Les premières scènes ont commencé sur la place des Victoires et dans les environs, notamment dans la rue Saint-Honoré ; on y a abattu les réverbères, et des gens armés ont tué tous ceux qu’ils rencontraient dans les rues ; on a emporté plusieurs cadavres de femmes même, tout couverts de coups de poignards et de sabres. Quatre gendarmes ont été pendus aux lanternes, comme dans la première révolution. L’ambassadeur dont nous avons eu des nouvelles aujourd’hui nous mande que le faubourg Saint-Germain était tranquille jusqu’à présent ; mais on n’est pas sûr de ce qui arrivera d’une heure à l’autre ; je crois qu’il faut se préparer à tout.