l’éclectisme du XIVe siècle par les imagiers de Philippe le Hardi ; les frères van Eyck, interprètes illustres des aspirations nouvelles, ont varié ce thème à souhait tout en restant dans une sorte de réalité contemplative. Dans le tableau de Bruges, Marie plane au-dessus des temps et l’immuabilité grandiose de son expression confère à la lourdeur humaine de ses traits une majesté épique. Cet art exprime la synthèse du mystère virginal. C’est par la peinture inégalable du décor, du milieu, des accessoires que la scène se localise. Ce génie épique est en même temps très intime et c’est sous ce double aspect qu’il se prodigue dans la Madone van der Paele. La localisation du chef-d’œuvre est aussi dans la miraculeuse réalité du donateur, maître Georgius de Pala, élu chanoine de Saint-Donatien en 1410, décédé en 1444. Portraitiste infaillible, Jean van Eyck surpasse, dans ce vieillard adipeux et de visage crevassé, tous ses célèbres portraits des années brugeoises : l’Albergati, l’Arnolfini, l’Homme au Turban, Jean de Leeuw, Baudouin de Lannoy. Réalise-t-il ici l’idéal du portraitiste moderne qui veut, comme l’a dit Hegel, un visage façonné par l’esprit ? Il ne se départ pas du calme de son génie épique. Son objectivité aboutit à des représentations d’éternité. Ce n’est pas l’homme avec ses servitudes et son orgueil ; c’est l’image d’un détachement irréel dans la fidélité physique la plus rigoureuse. Oserai-je dire que ce réalisme est de surface ? L’aspiration gothique, malgré tout, survit en Jean van Eyck ; et son Guillaume van der Paele, comme les figures des portails royaux du xiii’^ siècle, est installé dans l’immortalité. Le peintre cherche-t-il à traduire un sentiment momentané, à dramatiser par conséquent la figuré, il aboutit au sourire contracté et artificiel du saint Georges qui présente gauchement le donateur. C’est le sourire archaïque des marbres d’Egine et de l’Ange de Reims. Le saint patron est moins vrai que le donateur ; son attitude garde des raideurs de mannequin et sa réalité est surtout dans la beauté de son armure ciselée et dorée. Jean van Eyck est un tel peintre de la vie des choses que la précision des accessoires trompe ici sur la réalité de la figure. Le maître se hausse de nouveau aux vérités éternelles de sa nature épique dans l’évêque peint en pendant au saint Georges, saint Donatien, patron de l’ancienne cathédrale de Bruges, héros chrétien représenté de profil et immobilisé dans une méditation sans fin. Est-il besoin de redire à quel point la couleur est adaptée à ce
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