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femme Anne, fille de Louis de Vaikenaere (le mariage eut lieu entre 1470 et 1480), lui apporta-t-elle la fortune. Mais chargé de commandes, il devait gagner beaucoup d’argent. Ses élèves : Jean Verhanneman, Passchier van der Mersch, Louis Boels, sans doute l’aidaient. Les trois panneaux d’orgue du musée d’Anvers : le Christ et les anges musiciens où le grand art décoratif de la Renaissance s’élabore, sont vraisemblablement exécutés avec des collaborateurs et demeureraient l’œuvre maîtresse du peintre, si nous y trouvions les tonalités précieuses du Mariage mystique et du retable de Jean Floreins.

Le triptyque de Guillaume Moreel (musée communal de Bruges) fut terminé en 1484 et orna primitivement la chapelle fondée par Moreel dans l’église Saint-Jacques. Transporté à l’Hôpital Saint-Julien, lors des troubles religieux du XVIe siècle, exposé à Paris en 1794, il fut restitué à Bruges en 1813. Dans un beau paysage fluvial on voit au centre saint Christophe portant l’Enfant, saint Maur et saint Gille. Ces deux dernières figures respirent la noble et calme émotion que Bouts communiquait aux saints Jérôme et Bernard de son Martyre de saint Erasme. Et déjà toute la grâce vivante de Gérard David parfume le chef-d’œuvre de Memlinc. Le Saint Benoit des Offices et la tête de moine à la gouache du Louvre s’apparentent au divin saint Maur, image naturelle des plus hautes joies mystiques. Guillaume Moreel est agenouillé avec ses cinq fils et présenté par son patron Guillaume de Maleval sur le volet gauche ; en face Barbara de Vlaenderberghe avec ses onze filles est accompagnée de sainte Barbe. (Les grisailles de l’extérieur sont postérieures à la mort du maître.) Descendant d’une famille savoyarde établie à Bruges en 1336, les Morelli, Guillaume Moreel fut choisi comme bourgmestre en 1478 et vit son mandat renouvelé en 1483. Il défendit les privilèges brugeois contre les Français, puis contre Maximilien, qui le fit jeter en prison et refusa de l’amnistier en concluant la paix avec les Etats de Flandre. Dans la suite, Philippe le Beau indemnisa Moreel et les comptes de 1491 nous apprennent qu’il n’y avait que dix citoyens brugeois plus chargés d’impôts que l’ancien bourgmestre. Moreel appartenait à la puissante corporation des Epiciers que ne devait pas atteindre le reproche de béotisme. D’autres « cliens » de Memlinc en firent partie : Jean du (Relier, Adrien Reyns, Jacques Floreins.