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REVUE LITTÉRAIRE

LES DEVOIRS DE LA CRITIQUE

On voit, sur d’anciens vitraux, Charlemagne rouge et bleu, couronné d’or et transparent, qui inspecte son école palatine. Il a rangé à sa droite les bons élèves et, à sa gauche, les mauvais. Il l’a fait avec décision ; et il n’a gardé devant lui, dans l’incertitude, personne.

Pour la vivacité de son coup d’œil, et la netteté de son choix, l’empereur à la barbe fleurie, déjà pourvu du patronat des écoliers, mérite d’être institué prince de la critique. Sa forte image est un emblème des vertus que cet art exige.

Un critique doit juger les livres qu’on lui présente, les déclarer bons ou mauvais. Autrement, il omet sa tâche principale, qui est de séparer, de trier : l’étymologie le veut ; et il y a de l’impertinence, il y a de la révolte et enfin tous les signes de la fureur, à pécher contre l’étymologie.


La rudesse de la besogne a rebuté de charmans esprits. Ils craignirent de se donner l’air de régens, considérèrent qu’entre le bien et le mal les nuances sont infinies, montrèrent que le doute est l’attitude même de la sagesse ; et, autour des livres, ils badinèrent joliment.

Je crois, si élégant que lut leur jeu, qu’ils avaient tort ; mais aussi je crois qu’ils ont rendu de grands services. Ils réagissaient contre la rigueur d’une critique un peu intempérante et qui affichait la prétention d’être une science, avec sa méthode, avec ses lois et avec son dogmatisme.