politique que l’Italie et nous suivons en Afrique a rapproché nos intérêts et les a rendus solidaires : nous sommes plus obligés que jamais, — et c’est une obligation qui ne nous coûte rien, — de maintenir en parfait accord les deux pays. La France et l’Italie peuvent en effet se faire mutuellement beaucoup de bien en restant unies, mais encore plus de mal si elles se divisaient. Peut-être en a-t-on le sentiment en Allemagne et a-t-on voulu soulever entre l’Italie et nous des susceptibilités irritantes pour faire oublier à Rome des intérêts beaucoup plus sérieux. Le journal Le Temps, que la presse allemande avait accusé très légèrement d’avoir, ainsi que le Journal des Débats, écrit des articles menaçans pour l’Italie, a répondu par un article de bonne guerre dans lequel il a montré, avec des textes à l’appui, que l’Allemagne avait toujours refusé d’étendre à la Méditerranée ce que nous appellerons, si l’on veut, les bienfaits de la Triple-Alliance. Celle-ci ne s’applique qu’aux intérêts continentaux. Quant à ceux qu’elle a dans la Méditerranée, l’Allemagne ne s’en souciant pas, l’Italie a été laissée libre de les garantir comme elle voudrait et naturellement elle s’est tournée pour cela du côté de Paris et de Londres : elle y a trouvé un meilleur accueil qu’à Berlin et, nous pouvons le dire, une bonne volonté plus efficace. Sa situation est quelque peu paradoxale entre son alliance territoriale et ses ententes maritimes. Si la guerre éclatait, quel est l’intérêt qui l’emporterait ? Il est difficile de le dire, cela dépendrait sans doute du moment. S’en est-on préoccupé en Allemagne ? Le fait est d’autant plus probable que l’alliance doit être prochainement renouvelée. l’est-on disposé à faire ce à quoi on s’était refusé jusqu’à présent et à englober la Méditerranée dans les obligations que comporte l’alliance ? C’est possible, et cela expliquerait en partie la sortie véhémente que la presse allemande vient de faire contre nous en vue d’alarmer et indigner l’Italie contre nos dispositions navales, pourtant si innocentes. Mais, qu’on le veuille ou non, la contradiction entre les intérêts continentaux elles intérêts méditerranéens de l’Italie subsistera et, quoi qu’on puisse penser des premiers, il est certain que les seconds peuvent être plus effectivement garantis par l’Angleterre et par la France que par toute autre puissance. En cas de guerre, la flotte allemande, toute forte qu’elle est, aura assez à faire dans les mers du Nord. Est-ce encore pour cela que la presse allemande a reproché à la France de vouloir détourner l’Italie de la Triple Alliance pour l’entraîner dans la Triple Entente ? Peut-être : mais nous n’avons eu aucun dessein de ce genre et, si nous avions formé celui-là, nous n’aurions pas cru le servir en offensant l’Italie dans la Méditerranée.
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